| Quelles
sont les essences que vous préférez travailler ? Pour
les tables d'harmonie, j'affectionne tout particulièrement l'épicéa:
une bonne résistance mécanique et une dynamique intéressante.
Le cèdre (Red Cedar) m'est moins familier, et je ne l'utilise que très
rarement, seulement pour des commandes spécifiques. Pour le fond, je me
sers principalement du palissandre des Indes. Mais je suis très attiré
par l'érable ondé, et je proposerai dans les années à
venir un modèle avec cette essence. C'est un bois peu utilisé en
lutherie guitare (sauf à la période romantique), mais travaillé
dans des épaisseurs convenables, il peut rivaliser avec les palissandres;
je rappellerais que c'est le bois fétiche des luthiers du quatuor et qu'il
a été abondamment employé pour les modèles "arched-top".
Par contre son esthétique demande une grande pratique dans les vernis et
la mise en teinte. C'est à mon avis une des raisons pour laquelle il a
été délaissé en lutherie guitare (corde nylon).
Quelles sont vos méthodes de travail, anciennes, modernes ou un
subtil mélange des deux ? pour le vernis par exemple... J'ai
besoin de m'imprégner du matériau que je travaille pour mieux le
connaître. J'ai donc toujours privilégié le contact des mains
avec l'outil et le bois. Même aujourd'hui où j'ai optimisé
mes méthodes de travail, en m'aidant de machine à bois, souvent
réadaptées à mes besoins d'ailleurs, je garde ce côté
"manuel" du travail du luthier. Le temps, que je dégage en
me servant d'outillage moderne, est consacré à la conception des
nouveaux modèles, aux recherches dans le domaine de l'acoustique musicale,
des bois, des vernis
Cette distance est primordiale pour amener une réflexion
constructive sur la guitare. Pour ce qui est du vernis, après
avoir employé différentes techniques, j'en suis revenu au vernis
gomme-laque au tampon. Bien que plus fragile ( encore qu'il est plus facile à
reprendre qu'un vernis pistolet) il m'apparaît mieux adapté à
l'acoustique de la guitare, et je ne parle pas de l'aspect"environnement"!
Avez-vous trouvé " le
son " qui caractérise la facture de vos guitares et si oui, comment
le définiriez-vous ? "Les
chercheurs ne sont pas fait pour trouver, sinon ce ne sont plus des chercheurs
"
c'est du bon sens à la Coluche je crois!!! Pour moi cela signifie : laissons
la porte ouverte, méfions-nous des certitudes. Je ne suis sûr de
rien, je pense honnêtement offrir aujourd'hui des guitares plus performantes
qu'à mes débuts dans le sens où elles peuvent mieux traduire
la sensibilité du musicien. Une guitare est comme une langue, définie
par des mots, une grammaire
etc
et une langue doit être précise
et riche à la fois pour transmettre une pensée poétique,
philosophique ou une simple conversation de bar ! A chacun d'apprendre à
maîtriser cette langue, mais le vocabulaire, la structure doit exister au
préalable. Je cherche donc à réaliser des instruments sensibles
et cohérents et je pense que le point de départ c'est la richesse
du timbre, la dynamique, l'équilibre.
|