O	n l'a vu dans la première partie, le Ragtime a vu le jour à la fin du 19ème siècle sous les doigts de pianistes comme Scott Joplin, Jelly Roll Morton ou James P. Johnson. Ces compositeurs étaient tous des musiciens accomplis, formés à l'école de la musique classique européenne et connaissaient toutes les grandes oeuvres du genre. Les pièces qu'ils composaient étaient parfaitement écrites, structurées, organisées et ne laissaient aucune place à l'improvisation, encore moins à l'à peu près.
C	oté guitare, c'est presque le contraire qui se passe, les musiciens "rag" sont tous des autodidactes dans la tradition du Blues, ne sachant ni lire ni écrire la musique, leur interprétation est toujours très libre, ils ne jouent jamais deux fois un même morceau de la même façon ! La musique qu'ils font n'est pas le Ragtime de Scott Joplin, mais un Blues sophistiqué et syncopé qui ne retient du Ragtime que la rythmique. C'est le Ragtime-Blues dont les grands noms sont Blind Blake, Reverend Gary Davis, Blind Boy Fuller pour n'en citer que trois.
C	e n'est qu'au début des années 70 que la jonction va s'opérer, quand les premiers guitaristes picking de l'après "Blues Revival" vont découvrir que le Ragtime classique peut devenir un inépuisable répertoire de musique pour la guitare ! Et c'est bien grâce à cette technique de jeu que la chose est possible, il n'y a qu'avec le fingerpicking que la guitare peut rivaliser avec le piano simplement parce que le guitariste soliste joue simultanément les basses, les accords et la mélodie.
L	es guitaristes qui ont les premiers transcrit le ragtime classique étaient des musiciens de formation classique où approchante et qui s'étaient intéressés au fingerstyle par le biais du Blues, du Country-Blues mais aussi par l'écoute de musiciens Country comme Merle Travis dont le picking était extrêmement performant. Le tout premier disque de guitare Ragtime a été réalisé par David Laibman et Eric Schoenberg au tout début des années 70 et s'appelait "The New Ragtime Guitar". Ce disque, introuvable aujourd'hui, contenait les transcriptions de morceaux de Scott Joplin, Joseph Lamb, Tom Turpin, des standards arrangés pour la guitare de façon à être le plus proche possible de la version originale.
O	n retrouve donc dans ces arrangements la caractéristique originale du Ragtime qui consiste à suivre la partition au plus près, le challenge est de réussir à rendre à la guitare tous les effets pianistiques et de retranscrire l'intégralité des morceaux, toujours organisés en plusieurs parties dans différentes tonalités. C'est un exercice de haut vol qui réclame éventuellement de mettre en oeuvre quelques subterfuges comme les "open tunings" de façon à combler un peu l'écart de tessiture qui existe entre le piano et la guitare. Mais ce n'est pas une obligation, beaucoup de morceaux peuvent être joués en accordage standard.
S	tefan Grossman a été et est encore un des principaux acteurs de la guitare Ragtime. Toujours dans les années 70, il avait créé chez Sonet le label Kicking Mule entièrement dédié à la guitare acoustique country-blues et par lequel il avait produit beaucoup de guitaristes européens et américains que l'on n'aurait jamais connus autrement. Lui-même avait sorti sous ce label "How To Play Ragtime Guitar", un disque méthode avec tablatures extrêmement instructif. C'est aussi grâce à Kicking Mule que Ton Von Bergeyk, Duck Baker, Lasse Johanson ou encore Leo Wijnkamp Jr. ont pu enregistrer leur transcription de Ragtime Classique.

Maple Leaf Rag - Scott Joplin, arr. Antoine Payen

La technique des guitaristes picking ayant drastiquement évolué depuis le début du vingtième siècle, certains d'entre eux se sont lancés, avec succès, dans l'adaptation pour la guitare des morceaux ragtime que les grands compositeurs ci-dessus cités avaient écrits pour le piano.