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GUITARE & RAGTIME
 
- Antoine Payen -


Lorsque Scott Joplin mettait la dernière main à son nouveau morceau, "Maple Leaf Rag", en 1899 à Sedalia dans le Missouri, il ne pensait vraiment pas à la guitare. Il était assis au piano du Maple Leaf Bar et venait de signer la composition emblématique du Ragtime, une musique nouvelle et pleine d'avenir qui allait donner naissance au jazz quelques années plus tard.

Le ragtime est né pour être joué par un piano ou par un orchestre, et ce n'est que vers 1920 que quelques guitaristes de blues ont commencé à adopter la rythmique ragtime dans leurs morceaux, ou du moins c'est à cette époque qu'on a pu les entendre ! Car peut-être jouaient-ils ainsi plus tôt, mais il n'en reste aucune trace simplement parce qu'il n'y avait aucun moyen d'enregistrement jusqu'à l'avènement de l'industrie phonographique. En revanche la musique pour piano était mémorisable sur les rouleaux des pianos mécaniques dès la fin du 19ème siècle.


Blind Arthur Blake

   

C'est de la côte est des états-unis que sont venus les pionniers de la guitare ragtime, à commencer par le plus spectaculaire de tous, Blind Blake, qui a enregistré entre 1926 et 1933 quelques quatre-vingt faces de 78 tours, toutes plus incroyables les unes que les autres. Bien qu'il fut le premier guitariste à enregistrer du ragtime-blues, il est encore aujourd'hui celui qui a développé dans ce style la technique la plus sophistiquée et la plus aboutie. Tous ceux qui ont suivi se sont inspirés de Blind Arthur Blake mais on a aucune idée des influences dont lui-même a pu profiter. Personne ne sait d'où il venait exactement, quel était son âge, tout comme personne ne sait quand et comment il est mort. Après avoir poser les fondations du ragtime-blues, il a disparu en 33 ou 34, juste après la Grande Dépression qui avait stoppé net tous les projets d'enregistrements des labels de l'époque.


Si Blind Blake cite la ville de Tampa en Floride comme possible origine, c'est à Durham en Caroline du Nord qu'on trouve ensuite plusieurs grands guitaristes ragtime. Principalement Blind Boy Fuller et Gary Davis, résidant dans cette ville, ont connu de grandes carrières de musiciens professionnels. Blind Boy Fuller a enregistré cent vingt titres entre 1935 et 1941, année de sa mort. Utilisant une guitare National à résonateur, son picking à deux doigts lui donne un son reconnaissable entre mille et sa maîtrise instrumentale est parfaite. Comme Blind Blake, il a enregistré plusieurs fois le même morceau avec des titres et des paroles différentes, les musiciens étant à l'époque payés à l'enregistrement et non au nombre de disques vendus ... Bien que fortement influencé par Blind Blake, Fuller, Fulton Allen de son vrai nom, a réellement apporté un nouveau développement au Ragtime-Blues par ses compositions originales et sa technique irréprochable.

   


Blind Boy Fuller

 

Reverend Gary Davis
    

Le cas du Révérend Gary Davis est tout à fait particulier. On peut dire de lui qu'il a été un véritable génie de la guitare, un musicien sans équivalent à son époque et peut-être encore aujourd'hui. Son répertoire semble quasi infini, puisant dans le blues, le gospel et, bien sûr, le ragtime. La puissance et la diversité de son jeu guitaristique font merveille associés à la perfection et la sophistication incroyable de ses arrangements. Que ce soit sur six ou sur douze cordes, il faisait chanter ses guitares comme personne avec un sens du rythme et une musicalité uniques. Encore aujourd'hui un grand nombre de guitaristes se réclament de Gary Davis, parmi eux Stefan Grossman, Ernie Hawkins, Roy Book Binder, Jorma Kaukonen, ...

C'est au travers de la musique de ces guitaristes que le ragtime-blues vit encore aujourd'hui, on peut aussi citer Alain Giroux ici en France et quelques amateurs éclairés (dont votre serviteur) mais il faut bien reconnaître que peu d'artistes continuent de pratiquer ce genre pourtant si riche.


A titre d'exemple, voici un extrait de la tablature de "Seaboard Stomp" de Blind blake :


On l'a vu, le ragtime-blues des débuts étaient joués par des guitaristes qui avaient adopté la rythmique rag pour jouer des morceaux issus du blues ou du folk-blues, mais ces morceaux n'avaient pas la structure et la construction stricte du ragtime classique tel "Maple Leaf Rag" et tous les piano-rags de Scott Joplin, Thomas Turpin, Jelly Roll Morton, James P. Johnson, ...


La technique des guitaristes picking ayant drastiquement évolué depuis le début du vingtième siècle, certains d'entre eux se sont lancés, avec succès, dans l'adaptation pour la guitare des morceaux ragtime que les grands compositeurs ci-dessus cités avaient écrits pour le piano.

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