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INTERVIEWS AUTRES - ANDY POWERS BOB TAYLOR INTERVIEW CROISéE

  
INTERVIEW - Bob TAYLOR et Andy POWERS
REDACTEUR : JACQUES CARBONNEAUX

L'entreprise Taylor est devenue l'une des plus importantes firmes industrielles de guitares dans le monde, s'imposant ainsi malgré le rayonnement historique de la légendaire marque Martin.

L'une des raisons de son succès a été de se démarquer de Martin Guitars et de proposer aux musiciens des guitares qui ne ressemblent à aucune autre, affirmant un design et un esthétisme qui lui sont propres et offrant une personnalité sonore plus neutre.

Depuis 2012, Bob Taylor a fait appel au luthier artisan Andy Powers avec pour premier objectif de passer le relais le moment venu et de transmettre le savoir-faire de sa marque aux futures générations. Le travail réalisé par Andy sur la production des guitares Taylor est déjà colossal et signe le rapprochement entre l'industrie de la guitare et des artisans luthiers.

L'autre point fort de Taylor est sa capacité d'innovation et son respect pour l'environnement car si en effet, un luthier ne contribue pas directement à la disparition des essences tropicales, des firmes comme Taylor produisant plusieurs milliers d'instruments par an, sont inéluctablement concernées par le problème de déforestation en Amérique du Sud et en Afrique

Fort de ce constat, Bob Taylor a initié plusieurs actions afin de réagir face à ce problème :

Epicéa de Sitka


En 2007, la firme Taylor et plusieurs autres grands fabricants de guitares, dont Martin, Fender et Gibson sont devenus membres de la Coalition MusicWood fondée par Greepeace. L'un des objectifs de l'organisation est de sensibiliser l'industrie au sujet de l'épuisement des vieux épicéas et, plus spécifiquement, de convaincre Sealaska, une société native, qui détient une grande partie des terres où la "coupe à blanc" est la méthode la plus utilisée, d'adopter des pratiques d'exploitation plus durables avant qu'il ne soit trop tard.
(Coupe à blanc : Coupe rase, n'épargnant aucun arbre)

Ebène au Cameroun

À la fin de 2011, Taylor Guitars et Madinter Trade, SL, un distributeur international de guitares et de bois de lutherie, se sont associés pour acheter Crelicam, une usine de bois d'ébène située à l'extérieur de Yaoundé, au Cameroun. Les nouveaux propriétaires partagent la même vision avant-gardiste quant à l'acquisition et l'usinage du bois d'ébène, en offrant à la fois l'investissement et l'enrichissement de la communauté locale afin d'assurer que l'ébène soit légalement récolté, et de façon durable.

«Nous devons utiliser le bois d'ébène que la forêt nous donne», souligne Bob Taylor, qui a personnellement rencontré un certain nombre d'autres fabricants de guitare de premier plan depuis l'achat de Crelicam pour faire connaître les nouvelles réalités concernant les ressources d'ébène. Les conditions actuelles ne signifient pas que les jours "noirs" de l'ébène ont entièrement disparu, il est donc indispensable d'assurer un approvisionnement durable du bois d'ébène pour les générations futures d'instruments et de joueurs et d'adopter une plus grande diversité dans le choix des essences.

L'érable, une essence locale pour sauver les bois tropicaux.

Comme on peut le lire dans le dossier consacré à Taylor dans le numéro 47 de Guitarist Acoustic, le responsable de la marque considère l'érable comme "l'avenir de la guitare folk". En effet, face à la pénurie des bois tropicaux pillés depuis des décennies par les grandes industries dont celles de la guitare, certains de ces acteurs comme Taylor prennent conscience de l'urgence de trouver des bois de substitution pour arrêter enfin de dépouiller les forêts tropicales de notre planète. "Nous avons la chance d'avoir beaucoup de cèdres, d'épicéas et d'érables, nous allons particulièrement développer nos efforts sur ces bois". Il était temps et il serait aussi nécessaire de suivre l'exemple des luthiers artisans qui ont déjà pris conscience depuis longtemps de cette pénurie et qui s'engagent, pour certains, dans des projets de recherche tels que le Leonardo Guitar Research Project que je vous ai présenté lors du salon de Berlin.

L'interview

Je mesure la chance d'avoir pu obtenir, très vite, une interview de Bob Taylor et d'Andy Powers. Un grand merci à eux et un remerciement tout particulier à Conny de l'agence anglaise The Big Fish Studio !


Interview : Bob Taylor et Andy Powers



LaGuitare.com : Les différentes actions de la marque Taylor pour préserver l'environnement est un exemple à suivre par le monde de l'industrie de la guitare. Avez-vous déjà pensé à organiser une table ronde avec les principaux acteurs du marché de la guitare industrielle?

Bob Taylor : Je vous remercie. Je crois que ces actions que nous entreprenons sont importantes pour notre avenir et l'avenir des forêts. Pour le moment, je n'ai pas envie d'organiser une table ronde parce je ne crois pas que ce soit mon rôle de convaincre les autres de faire pareil. Je fais un exemple de mes efforts y compris financiers et si d'autres sont intéressés, ils savent déjà que je ne suis pas avare d'informations. Dans le même temps, la presse commence à s'y intéresser et des tables rondes sont déjà en cours de discussion.

Êtes-vous optimiste quant à l'avenir des forêts tropicales et la prise de conscience des industriels concernés ?

Bob Taylor : Oui, même si je pense que nous sommes à un niveau bas dans la santé des forêts tropicales, je suis optimiste quant à leur amélioration. Pourquoi ? Parce que je vois de plus en plus d'efforts dans les pays du monde entier à faire du bon travail durable. Le Brésil récolte et exporte l'acajou. Après de nombreuses années de moratoire, il réintègre le marché avec des bois certifiés FSC, issus de forêts bien gérées. Le Guatemala fait de même. Il y a des plantations en cours. En montrant de bons exemples, d'autres pays seront intéressés pour améliorer les choses parce que cela peut aussi générer des bénéfices. Une bonne gestion des forêts peut être rentable et les gens sont en train de découvrir cette vérité.

Je me bats en France depuis plusieurs années pour rapprocher le secteur industriel du secteur artisanal en guitare. En embauchant le luthier Andy Powers, vous avez réussi à donner une merveilleuse occasion à Taylor de continuer à croître de génération en génération en profitant de l'énorme potentiel d'innovation dont sont capables les luthiers indépendants. Quelles sont les raisons pour lesquelles vous avez souhaité embaucher un luthier déjà confirmé plutôt que de former quelqu'un ?

Bob Taylor : Je suis un luthier moi-même. Beaucoup de gens me voient seulement comme un industriel, mais j'ai fait des guitares de mes propres mains dans un premier temps, et c'est ainsi qu'a grandi lentement Taylor Guitars. L'avenir de Taylor Guitars dépend d'un luthier qui est autodidacte, parce qu'une personne qui est autodidacte a été confrontée à tous les aspects de la guitare. Lorsque je forme quelqu'un, je ne peux pas le former aux difficultés inhérentes à la lutherie. Il faut passer par une certaine souffrance pour devenir un bon luthier. Les gens ne souffrent pas ici chez Taylor, de sorte que beaucoup de connaissances importantes sont laissées à la formation, parce que vous ne pouvez pas leur demander l'impossible. Quand un luthier est né pour faire des guitares et se forme tout seul, il apprend beaucoup de choses précieuses qu'on ne peut lister. Il apprend des choses en travaillant aussi bien dans sa boutique à minuit ou le matin de Noël parce qu'il n'a pas d'autre choix. Andy est ce genre de personne. Maintenant, quand lui et moi discutons d'une conception, nous nous enseignons des choses l'un l'autre et je n'ai jamais besoin d'expliquer les choses avant d'entamer la discussion, nous entrons directement dans le vif du sujet.

Question pour Andy Powers : N'était-ce pas trop difficile de prendre la décision de quitter votre propre atelier de lutherie et vos clients fidèles pour rejoindre une marque aussi importante que Taylor ?

Andy Powers : En toute honnêteté, quand Bob m'a proposé de travailler ensemble, j'ai dû y réfléchir pendant un certain temps. J'ai énormément de respect pour son travail, mais je me voyais plutôt travailler seul le reste de ma vie, en continuant ce métier que j'adore, comme je l'ai toujours fait. En fin de compte, la décision a été prise d'accepter parce que Bob et moi avions l'occasion d'avoir un impact positif dans le monde de la guitare. On peut voir les choses de cette façon : En travaillant seul, je pouvais apporter ma contribution dans la vie d'une poignée de musiciens chaque année. D'un autre côté, en travaillant ensemble et en partageant nos capacités, on pouvait mettre un super instrument dans les mains de milliers de musiciens chaque année et aussi oeuvrer à améliorer la santé des forêts. En travaillant aux côtés de Bob, j'ai l'occasion de poursuivre le métier de lutherie et de partager les instruments que je crée avec un nombre de musiciens bien plus important et diversifié que jamais.

Question pour Andy Powers : Même si Taylor a toujours été une marque innovante, depuis votre arrivée, les séries sont en constante évolution, que ce soit dans la forme, la construction, le barrage, les colles, le système sonore, etc. A quel niveau intervenez-vous dans ces innovations ?

Andy Powers :Je suis un instigateur. J'adore construire et jouer de la guitare. Bob et moi nous nous sommes engagés à améliorer constamment les guitares que nous faisons. Au début de chaque modification, ou à chaque nouvel instrument, je prends un morceau de bois et lui donne une forme pour un concept ou une idée d' instrument. Parfois, je vais construire une guitare en utilisant un support de notre production et j'interviens au niveau des détails spécifiques du travail manuel, d'autres fois, je vais construire un instrument entièrement artisanal pour sortir une guitare qui ne ressemble en rien à ce que nous avons déjà fait. La réponse simple et vraie est l'implication de Bob et je commence dès le début de chaque instrument pour continuer jusqu'à la réalisation finale.

Question pour Andy Powers : Il y a beaucoup de recherches sur l'aspect acoustique. Êtes-vous associé avec certains des laboratoires aux États-Unis et dans le monde, ou restez-vous concentré seulement autour des recherches de votre propre département R & D ?

Andy Powers : Nous sommes engagés dans la recherche à quelques endroits, à la fois avec notre propre Direction de recherche, tout en contribuant cependant autant que nous pouvons au travail de nos partenaires comme Steve McMinn de Pacific Rim Tonewoods qui a pris part à des études sur la propagation des arbres pour les futurs bois de lutherie. Toutefois, la majorité de nos recherches reste dans notre propre boutique, sur l'établi.

Interview réalisée par Jacques Carbonneaux - Traduction : Caroline Rossi
- Le 07 avril 2015 - Le site de Taylor Guitars

 
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