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Lorsque j'ai proposé à Jacques-André Dupont, fondateur et responsable du salon de la guitare de Montréal, de me consacrer un peu de temps pour réaliser une interview, il m'a proposé de faire une itv croisée. Alors c'est quoi ça, une interview croisée ?

Cela consiste à poser une question à son interlocuteur qui y répond en finissant par poser lui même une question. Le principe est simple, original et très ludique.

Jacques Carbonneaux - le 05 avril 2008
INTERVIEW REALISEE PAR MAIL LE 26 mars 2008

Jacques-André : Te souviens-tu la première fois que tu as mis la main sur une guitare ?

Jacques : Oui, je devais avoir 13 ans. Mon frère s’était fait payer une folk « Morris » par notre père et très vite j’ai voulu mettre les doigts dessus. J’ai découvert la guitare en même temps que je tombais amoureux de Neil Young et de CSNY. J’ai donc rapidement essayé de jouer « the needle and the damage done » et « Cowgirl in the sand », ce qui n’était pas le plus facile pour débuter.

Jacques : Et toi ? ta première guitare, était ce une folk, une électrique ou une classique ?

Jacques-André : Une classique. La guitare de maman de marque Espana. D'ailleurs j'ai récemment trouvé une photo de moi enfant en train de jouer avec cette guitare devant mon grand-père... Je me souviens même ce que je jouais. La Poupée qui fait non (mi-la-ré)!!!


Jacques-André : 13 ans c'est très jeune pour tomber en amour avec le folk. Aurais tu une vielle âme de guitariste américain ?


Jacques : Oui, tout à fait. Je n’ai jamais apprécié la chanson et la musique française quand j’étais gamin. J’appréciais les textes de Brel, de Brassens ou de Ferrat mais leur musique m’ennuyait à mourir. J’ ai eu de suite le coup de foudre pour les mélodies du folk et du rock anglo-saxon et surtout, je suis tombé amoureux du son des guitares Martin de Stephen Stills et de Neil Young. Je n’ai toujours pas de Martin, mais j’attends de trouver celle qui me fera vraiment frissonner.

Eh oui, c'est moi à 16 ans. On m'a obligé par la force à mettre cette photo. Enfin, c'est la preuve que j'ai eu, un jour, des cheveux !

Jacques : Tu es resté longtemps sur cordes nylon ou es-tu rapidement venu à changer de guitare ?

Jacques-André : Disons que la guitare nylon a été pour moi la porte de sortie du violon :-) Je prenais des cours de violon, et franchement je m'ennuyais. La guitare était définitivement un instrument plus facile et surtout plus cool! Donc j'ai fait quelques années de guitare classique jusqu'au jour où avec mon ami Louis Clément je suis allé faire un tour dans le sous-sol d'un gars qui jouait des chansons des Beatles sur une mauvaise copie de Gibson SG rouge et rutilante! La plus belle chose que j'avais vue de ma vie!

Jacques-André : Et la guitare électrique dans tout ça ? Il n'y a pas un peu de Hendrix qui sommeille en toi ?

Jacques : J’ai adoré et adore toujours écouter Hendrix et la guitare électrique en général mais je n’ai jamais vraiment voulu m’y mettre par flemme avant tout. Maintenant, vu mon grand âge, je ne me sens plus capable de m’atteler à cette tâche car je me suis trop habitué au confort de jeu d’une acoustique. Mais, je ne désespère pas car Ibanez vient de sortir un nouveau modèle acoustique avec lequel on peut jouer électrique. J’ai vu ça au NAMM show et à la MusikMesse. Je vais l’acheter, c’est sûr !!!

Jacques : Je connais ta passion pour les guitares et ta frénésie qui fait de toi un collectionneur, quelle a été la première guitare de ta collection ?

Jacques-André : Ma première, que j'ai toujours, est une Gibson Les Paul Custom 1978 payée 125$ à Miami lors d'un voyage! C'est cette guitare qui a accompagné mon adolescence. Ma meilleure amie en quelque sorte. Ce n'est pas une pièce super rare, mais disons que sa valeur est d'environ 3 000$. Pas mal pour un bout de bois avec 6 cordes!

Jacques-André : Comment as-tu eu l'idée de lancer laguitare.com?

Jacques : Avec mon ex-femme, Laurence Dupaquier qui se lançait dans le web, nous avions déjà monté gratuitement des sites internet pour quelques luthiers en 1998. Je suis informaticien de formation. Un jour, en sortant de répétition avec des amis, je me suis fait la réflexion à voix haute : « il n’existe pas de portail sur la guitare, et si on en créait un ? ». J’ai alors soumis l’idée à Laurence et le lendemain matin, la maquette était déjà réalisée ! C’était en novembre 1999.

Après, ma rencontre avec Michel Haumont a été capitale car il m’a fait rencontrer pas mal d’artistes et de guitaristes, ce qui a permis à laguitare.com de se faire un nom dans le monde professionnel de la musique.

Jacques : Si tu devais ne garder qu’une seule guitare, ce serait laquelle ?

Jacques-André : C'est la pire question qu'on puisse poser à un collectionneur ! Comme collectionneur, on carbure à la variété... Une guitare pour chaque état d'âme (l'équivalent politiquement correct de «une femme dans chaque port!»). Disons que je garderais la plus coûteuse... Comme ça je pourrais la revendre et en acheter deux :-). Plus sérieusement, j'hésiterais entre quelques instruments: la Les Paul 1978 (car j'ai promis à ma fille de 9 ans de la lui léguer), la Godin Montréal (car c'est cette guitare qui m'a permis de rencontrer Robert Godin, qui est l'inspiration de la création et qui est l'une de mes guitares favorites), ma Strat 68 (Hendrix!!!) et ma Telecaster Custom 1973 qui a une mojo formidable! Tu vois je suis incapable de répondre à ta question!!!

Jacques-André : Quand je t'ai rencontré la première fois je me suis dit, ce gars là est vraiment le meilleur ami des luthiers. Qu'est-ce qui te plaît tant chez eux?

Jacques : En fait, entre les luthiers et moi c’est une véritable passion qui nous lie. Depuis que j’ai mis les pieds dans l’atelier d’un luthier en 1998 : Alain Quéguiner, j’ai eu un coup de foudre pour tout ce que représente un atelier d’artisan avec ses odeurs de colle, ses planches de bois précieux, ses guitares en cours de réalisation… Très vite, je me suis lié d’amitié avec certains d’entre eux et l’idée de les aider m’est venue tout naturellement avec l’explosion que représentait internet à cette époque. Je me suis vite rendu compte que le salaire du luthier était bien loin de suivre les tarifs de ses instruments. Beaucoup croient le contraire, à tort. Le métier de luthier est difficile, ingrat, peu rémunéré et la beauté esthétique et sonore de leurs instruments mérite qu’un guitariste qui souhaite s’acheter une guitare de valeur cesse de regarder systématiquement chez les grandes marques qui inondent le marché et fasse la démarche de rencontrer les guitares de luthiers, bien souvent supérieures en tout point. Mon objectif, qui est devenu un véritable sacerdoce, est de faire connaître au plus grand nombre de guitaristes la présence des luthiers et la qualité de leur travail. Ce qui me plaît chez un luthier, c’est qu’une guitare n’est pas qu’un simple instrument, c’est presque un art avec un rapport humain que l’on ne retrouve pas avec les manufactures imposantes. Pour aller un peu loin, je dirais que la guitare de luthier a une âme, celle de celui qui la fabrique. Quand je prends ma guitare dans les bras, je n’irai pas jusqu’à dire que c’est le luthier que je prends dans mes bras mais sa présence est bien là, impalpable mais bien là.

Jacques : Je peux te retourner la même question car je t’ai rencontré lors de la première édition du Salon de la guitare de Montréal en 2007, exclusivement réservé aux luthiers artisans. C’est un sacré pari puisque de 60 luthiers en 2007, le SGM invitera près de 100 luthiers cet été. Quel est ton rapport avec les luthiers et quels sont tes objectifs avec ce magnifique salon ?

Jacques-André : Je comprends totalement ce que tu dis. Dans mon cas j'ai découvert la lutherie sur le tard, il y a moins de cinq ans. En fait, je suis tombé en amour avec les gens de guitare. D'abord avec Robert Godin, son énergie et sa passion pour la guitare et l'innovation. Robert est selon moi un des rares hommes de guitare qui continuent d' apporter des visions nouvelles à l'instrument. Puis j'ai rencontré des gens comme Mario Beauregard, Bruno Boutin, Michael Greenfield, Marc Lupien, tous luthiers québécois, qui m'ont donné le goût de la guitare fait main, en atelier, en petite quantité. Le succès du Salon de Montréal, je le dois à ces gens et d'autres (plusieurs des grands luthiers comme Tom Ribbecke, John Monteleone, Linda Manzer, Ervin Somogyi, etc.) qui ont tous à coeur de promouvoir la lutherie. Mon objectif pour le Salon de Guitare de Montréal est de créer LA destination pour la guitare haut de gamme: un lieu de rencontre entre les luthiers, les fous de la guitare, les musiciens amateurs et professionels, les collectionneurs et les médias. Je souhaite que l'événement reste un lieu facile d' approche, où on ne se prend pas trop au sérieux et où les rencontres sont riches et nombreuses.

Jacques-André Dupont et Jacques Carbonneaux le 26/03/2008 - http://www.guitarjunky.ca/

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