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MICHEL YVES KOCHMANN

Comment est née l'idée de cet album ?

Je travaillais avec Isabelle Vaudey qui dirige le label Vox terrae sur des illustrations sonores depuis deux ans. On a bien connecté, et un jour, elle m'a dit, si tu m'amènes un projet intéressant, je suis partante pour faire un disque d'artiste. J'ai donc réfléchi au concept, j'étais totalement libre, et l'idée m'est venue de n'utiliser que des instruments de la famille des guitares au sens large: mandolines, ukulele, saz, tambors, oud, r'baba, etc.. j'avais le droit de faire ce que je voulais avec ces instruments, les utiliser normalement, ou les détourner, mais je me suis interdit d'inclure des batteries, des percussions, ou des synthés...Pour les guitares basses j'ai hésité mais je me suis dit que ça restait des guitares, et il aurait été compliqué de me passer de basse...Même la voix qu'on entend sur le titre " Red Princess is dancing " a été fabriquée avec une guitare branchée dans un ampli ultra saturé..en fait j'ai hurlé dans le micro de guitare.

Peux tu nous dévoiler les secrets techniques de fabrication ?

J'ai utilisé 42 guitares, mais j'en ai choisi 27 pour les photos du disque, car il était techniquement impossible de toutes les montrer! De manière générale, je ne me suis fixé aucune limite dans l' expérimentation.Tout ce qui est guitare acoustique a été enregistré normalement avec un micro, un préampli à lampe. Pas en prise directe parce que je n'aime pas ça. C'est valable pour la scène mais pas là. Les basses ont été enregistrées parfois en passant par un préampli. Certaines basses acoustiques comme dans " Melancolia " ont été enregistrées totalement de manière acoustique avec un micro. Pour les guitares électriques, j'ai essayé tous les systèmes que j'ai : amplis, préamplis, simulateurs de hp, pédales d'effets, etc...Parfois je retrafiquais après aussi, J'ai utilisé beaucoup d'instruments, mais pas forcément d'une manière très académique. Par exemple j'ai utilisé une vieille balalaïka que je possède depuis tout petit. Le son est pourri, mais elle m'a servi dans Funky Rabbit pour la partie de wah wah au début. Je l'ai utilisée avec un micro devant, branchée ds une wah wah et une sature et le tout dans un ampli à lampe. Résultats, ça ne donne pas un son de balalaïka.
Le principal problème auquel je me suis heurté a été les percussions. Je n'ai pas cherché à imiter les sons de batteries ou de percussions, mais au moins d'en retrouver leur fonction. Pour " Red Princess is dancing ", j'ai pris une balalaïka par le manche et j'ai tapé sur mon meuble informatique pour faire la grosse caisse car je me suis rendu compte que ça créait une résonnance. Après il y a eu un gros travail sur le son. Pour les caisses claires, comme le banjo, je tapais avec les doigts ou le médiator. Je me suis interdit les baguettes.
J'ai eu plus de mal à trouver les fonctions dt j'avais besoin pour la famille des shakers...en général, pour les sons aigus, je prenais un petit instrument, genre ukulele, mandoline, ou autre et je grattais dessus, donc ça faisait la pulse d'un shaker, mais ça sonnait medium grave, donc je rendais le son plus aigü par une equalization où je coupais d'une manière particulière.
Sur le titre " Shtetl " il n'y a aucune contrebasse. J'ai passé une basse dans une vieille pédale fuzz et j'ai gommé toutes les attaques à la pédale volume, ce qui donne ce son grave et ronronnant.
Tout ça est resté beaucoup du domaine de l'expérimentation.

C'est presque surprenant de constater que la guitare offre autant de possibilités..A quel moment as tu eu conscience de cela ?

J'ai fait des études de musique classique, mais j'écoutais d'autres fonctions de guitare à travers les Stones, Ry cooder ou John Mc Laughling. Quand j'ai eu 11/12 ans, j'ai commencé à toucher à la guitare électrique. Je mettais toutes mes économies dans l'achat de pédales d'effets et je passais des heures à essayer des sons, à tester des choses. J'avais déjà la prescience du fait que avec une guitare, on peut tirer beaucoup de choses différentes. L'idée de l'album n'est pas de montrer tout ce qu'on peut faire avec, mais de rendre hommage à un instrument étonnant, hybride, peu puissant, qui a gagné ses lettres de noblesse dans des tas de musique, et en exploitant certaines de ses particularités qui peuvent varier selon les époques ou les cultures...

Sur le livret du disque, il est écrit " La guitare est un instrument de parole et de poésie " La poésie et les paroles peuvent donc passer par des sons ?

Je n'ai pas cherché à énoncer une parole universelle, j'aurais trouvé ça prétentieux...c'est juste ma vision des choses.J'ai eu des échanges avec Jean-Jacques Goldman...quand je lui ai dit que j'allais lui envoyer mon disque, je lui ai dit " je ne suis pas un faiseur de mots comme toi ou Souchon, je ne sais faire des choses qu'avec ma guitare "..Il m'a répondu " quand on avait 14-15 ans, qu'on écoutait les Stones, Led Zepp ou les Beatles, on comprenait pas forcément, mais ça nous parlait quand même. "

Lors du processus de création, comment naissaient les morceaux et dans quel ordre ?

Certains titres se sont imposés de façon fulgurante...Shtetl a été hyper vite, il m'a pris 4 heures. J'avais besoin de le faire très vite, comme une évidence. Probablement le fruit de vieux morceaux de mémoire qui traînent et dont on hérite. Au contraire, j'ai beaucoup travaillé " Red Princess is dancing "....Il m'a demandé un gros travail de recherche.C'est parti d'un rêve éveillé, mais je me suis beaucoup amusé dessus à chercher les sonorités.Pour Funambulist, dédié à un de mes amis d'enfance funambule, j'ai été inspiré dès que je suis sorti de son dernier spectacle. Pour " Song for Joe ", je n'ai pensé à dédier ce titre à mon fils qu'une fois que le riff s'était précisé. Ça s'est imposé.
Mais d'une manière générale, tout ce qui relève de l'imaginaire est arrivé en premier. Et tous les titres liés aux gens ou aux moments du réels sont arrivés à la fin.

L'album est sorti depuis plus d'un mois, pour reprendre une métaphore maternelle c'est plutôt baby blues ou fierté et admiration ?

Un peu les deux! Une fois parti à la fabrication, le mastering terminé, je me suis vraiment refusé à écouter, je ne le supportais plus car je n'avais plus aucun recul. Après j'ai réécouté au calme et j'ai trouvé le tout plutôt pas mal..Le baby blues, oui...Tant qu'on est ds la phase de création, c'est super agréable..Une fois que c'est fini, même si j'ai d'autres activités, je me suis senti désoeuvré.

La musique instrumentale reste confidentielle en France, d'après toi, c'est une situation qui peut évoluer ?

Je ne sais pas vraiment. C'est quelque chose de bizarre culturellement. En France, ce genre de musique fait vraiment figure de parent pauvre. Il y a quelques années, j'ai sorti un album avec un groupe qui s'appelait Tattoo aux côtés de Laurent Faucheux et de Paul Michel Amsellem. On ne vendait pas en France et 15 jours ou 3 semaines après sa sortie, il était suffisamment exposé à Singapour pour qu'on aille faire une tournée là bas...je ne dis pas qu'on en a vendu des milliers, mais en Asie, ils ont autant le goût de la musique instrumentale que des chansons. Ici quand un grand jazzmen comme Dédé Cecarelli vend 15 000 ou 20 000 albums, c'est un succès, alors que dans la chanson c'est une catastrophe. Il y a aussi une histoire de communication. Le plus habile communicateur dans le domaine a été Jean-Michel Jarre. Il a réussi à créer des évènements et remporter des succès avec de la musique instrumentale. Il y aussi Santana qui a remporté un succès planétaire avec " Europa " à une époque. Ces exemples restent des exceptions. Aujourd'hui, je ne sais pas si les choses peuvent changer. C'est un peu le serpent qui se mord la queue. Si la musique instrumentale n'est pas exposée, elle ne représentera jamais un " marché "...


De manière générale, est-ce que tu travailles encore ton instrument, et à quelle fréquence ?

Pour être honnête je ne travaille pas beaucoup la technique pure. Je la travaille souvent juste avant de monter sur scène. Parfois, avec Guy Delacroix, on se met dans un coin, on se chauffe les mains, et on la bosse. Mais dans mon studio, je vais plutôt passer des heures à chercher des sons avec des guitares, mais je ne vais pas travailler la technique. De toute façon, sans fausse modestie, je ne me considère pas comme un virtuose.J'ai renoncé depuis longtemps à la virtuosité, je n'y suis pas sensible par goût. Chez certains guitaristes, je trouve que parfois, il y a quelque chose qui relève plus du domaine de la performance que du domaine artistique.


Est-ce que tu pourrais et saurais caractériser ton jeu ?

Avant tout, je ne pense pas qu'un musicien invente un style. Mon jeu est le produit d'un paquet d'influences que j'ai digéré consciemment et inconsciemment. C'est à dire qu'en fait, on reçoit plein de styles, on se retrouve au confluent de ces styles. Après, en digérant tout ça, on finit par se créer sa propre identité. Un bon musicien est quelqu'un dont on reconnaît les notes immédiatement. C'est d'ailleurs un compliment qui me fait plaisir, quand on me dit qu'on a reconnu mon jeu tout de suite. Comme quand on me dit que j'ai donné envie de faire de la guitare...

Et avant de jouer, tu as toujours le trac ?

Plus que jamais! D'ailleurs le jour où je ne l'aurais plus, j'arrêterai le métier. C'est une énergie donc un moteur..on se sent pétrifié, on croit qu'on a des morceaux de contreplaqué sur la main. L'image de Goscinny et Uderzo dans Asterix est assez juste. La peur donne des ailes. Le trac m'a fait parfois jouer des choses que je n'aurais pas pu jouer sans. Et lorsque je ne l'ai pas, c'est rare que je sorte des grandes choses.


Ton meilleur et ton pire souvenir de guitariste ?

Le pire c'est quand j'étais au conservatoire . Des petits boeufs se montaient. Je devais avoir 12 ou 13 ans, un mercredi après midi un boeuf se monte avec des gens plus âgés, on me propose d'aller jouer et ce fut pitoyable, je me suis ridiculisé devant tout le monde : les copains, les filles devant qui on voudrait briller. Je me suis senti vraiment humilié je m'en voulais et j'en voulais au monde entier mais ça m'a vraiment fait bosser.
L'un des meilleurs, mais qui aurait pu être le pire, c'est quand j'étais un peu plus âgé. Je jouais avec un big band de jazz en marge du conservatoire. Un jour, il y a un concert à Blois dans une vraie grande salle de 1500 personnes . A l'époque j'avais répété seulement 2 titres. Il y avait un bassiste titulaire qui faisait tous les morceaux. L'idée étant que j'intègre progressivement le groupe. Dans le bus on m'annonce que ce bassiste n'est pas là, et que je devais assurer la totalité des morceaux. Ce fut un moment de panique car je n'avais pas répété. J'ai regardé les partitions en un éclair. Finalement, ça ne s'est pas trop mal passé. Je suis sorti de là plutôt fier car je m'en étais sorti. Ça m'a mis un vrai coup de pied aux fesses.

Tu as participé à un stage en juillet dans l'Est de la France en tant qu'enseignant. Qu'est-ce qui te paraît le plus important à transmettre à des aspirants guitaristes et plus généralement, que réponds-tu à ceux qui viennent te demander des conseils?

Il faut jouer, encore et toujours. Sans se polariser sur la réussite! En plus, elle n'est jamais définitive...jouer, en aimant ce qu'on fait, s'éclater, et se faire plaisir, ça finit par passer vers les autres...moi je joue à l'instinct, je ne dis pas qu'il faille toujours jouer à l'instinct, mais c'est ma manière de faire. J'essaie toujours de faire passer le message suivant : dans n'importe quel art, c'est l'émotion au sens large qui doit passer...si ce n'est pas le cas, on peut être techniquement le meilleur du monde, on a raté quelque chose..Si la technique doit servir à transmettre l'émotion, tant mieux, mais si c'est autre chose, il faut juste que ce soit perceptible pour les gens.

Véronique Chaouat - Le 18/10/2007

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