Rechercher sur
laguitare.com
L'annuaire laguitare.com
Newsletter
Services - Publicités
Annoncer - CONTACTS

 

FRED VIDALENC
Interview le 10 février 2006

Interview de Fred Vidalenc, réalisée le 10 février à Lorient au restaurant " Le Celtic " à Armor Plage, près de Lorient. Je salue ici l'accueil reçu dans ce restaurant et remercie Fed pour le temps passé ensemble.

Nous sommes au bord de la mer pour retrouver Fred Vidalenc après quelques années de silence après son premier album solo, " la latitude des chevaux " . L'ancien bassiste de Noir Désir a enregistré " quelque chose dans l'ordre ", son nouvel album à Lorient et c'est là que nous le retrouvons pour en parler.

LaGuitare.com : la genèse de ce second album a été compliquée ?
Fred Vidalenc : Oui ça a été très compliqué. Ca a pris énormément de temps. J'avais la volonté que ce soit un album à la différence du premier qui soit assez large. Avec des musiciens, des arrangements et donc des moyens pour le faire, mettre tout ça au point ça a été compliqué. Et il me fallait aussi m'y lancer, ça me foutait un peu la trouille. Le premier était fait en 16 pistes dans une maison avec 4 copains. Là ça a été un peu pharaonique.

LaGuitare.com : Les musiciens ont changé …
FV : Il n'en reste aucun du premier album..sauf Olivier Mellano avec qui c'est vraiment une collaboration. On est copain avec Oliver. Olivier arrive une journée, il fait ses guitares et il repart. Ce n'est pas une participation au projet complet. C'est vraiment un type qui arrive. On prend du Mellano on met du Mellano. Moi j'adore ça. En une demi-journée il fait un travail phénoménal. C'est un travail très typique, très coloré.

LaGuitare.com : Ce que tu voulais faire après la sortie de ton premier album c'était faire des concerts…
FV : Sur la première tournée il n'y a pas eu assez de concerts à mon goût mais c'était difficile. Il n'y avait pas de promo, j'avais le label qui s'est cassé la figure pratiquement le jour de la sortie. Les messieurs Prod était en décrépitude complète à ce moment là. Je n'avais pratiquement pas de tourneur. Tenir les musiciens sans programme établi à l'avance c'est compliqué. Mais il y a eu de bonnes expériences. Je ne le referai cependant pas de la même façon. Les musiciens étaient plus protectionnistes que moi. Moi j'aime changer à chaque coup, à chaque répétition. La complicité n'a pas vraiment marché.

Laguitare.com : Tu aurais voulu que les morceaux évoluent davantage sur scène…
FV : Oui j'aime qu'ils évoluent d'un concert sur l'autre. Parce qu'autrement on s'ennuie. Et on s'éteint un peu en jouant. C'est bien de changer même des choses infimes mais en changer tout le temps.

Laguitare.com : Alors pour cette tournée tu vas faire différemment…
FV : Ca c'est ce qu'on dit parce qu'à la base le format est comme il est. Quatre musiciens et un mec et c'est un peu toujours la même chose. Disons que là il y a eu un choix beaucoup plus pragmatique de ma part pour les musiciens. Il ne s'agit pas spécialement de copains ou d'amis mais de gens qui correspondent au projet. C'est plus un choix de musiciens alors qu'avant c'était des copains qui étaient là. Curieusement je ne voulais pas d'un groupe et là c'est pas du tout le cas. Il y a des choses dont je ne veux pas m'occuper. La balance j'y suis parce qu'il faut faire ma voix mais j'ai pas envie d'y passer mon temps. Faire le chef d'orchestre ça me gonfle. Je me dis qu'il peut y avoir un mec dans le groupe qui sera le chef fera régner l'ordre. Ca permet à tout le monde d'être plus tranquille.

Laguitare.com : En concert as-tu plus d'énergie que sur le disque ? Sur les deux disques il y a pas mal de morceaux doux. Sur la tournée du 1er disque les morceaux étaient-ils transformés ?
FV : Sur la première tournée il y a eu une volonté presque imbécile de ma part de vouloir en faire des morceaux plus cartons. Des fois c'était réussi d'autres fois… J'ai réécouté récemment et je me suis demandé " pourquoi tu as fait ça, il était beau ce morceau, augmenter le tempo et mettre les grosses guitares c'est complètement crétin ". Mais j'avais peur. Un morceau tranquille c'est extrêmement difficile à jouer. Parce qu'il faut rester tranquille et se dire qu'il faut que ça prenne les gens tranquillement. Que ça ne se fait pas du premier coup, c'est long à mettre en place. Il faut vraiment être courageux pour jouer des morceaux doux. Un morceau avec une grosse intro et " ba ba ba, ba ba ba " (prononcez très vite ndr) , finalement quand il s'arrête les gens font " Oh… " et on ne sait pas si ils sont soulagés ou s'ils ont vraiment aimé.

Laguitare.com : Justement est-ce qu'un musicien a peur quand il joue un morceau tranquille et se dit " bon maintenant il faut que j'aille au bout mais ça n'a pas l'air de prendre … " ?
FV : Ah oui, c'est le truc le plus compliqué. Même techniquement c'est compliqué. Mais justement il ne faut pas se laisser embarquer ni par son allégresse si ça marche, ni par rien. Il faut rester zen. Moi j'ai un mal de chien à faire ça. J'ai tendance à accélérer le tempo. Il faut sortir de soi et ne pas se laisser faire par le public. Lui dire " ben non tu vas te le bouffer comme ça, comme il est et c'est pour ça que tu es venu a priori ". Sans aucun mépris évidemment. C'est comme le courant, ça tire. Mais il ne faut pas se laisser faire.

Laguitare.com : Tu me diras si je me trompe mais j'ai l'impression que tu n'aimes pas les grandes intros. La voix part assez vite.
FV : J'ai tendance à resserrer autour de la chanson. Sur le nouvel album il y a des morceaux avec des très longues coda. Des fins très longues. C'était toujours un sujet d'engeulades entre David Euverte qui a arrangé l'album avec moi. Parce qu'un morceau ce n'est pas une intro de 2 minutes et une fin de 3 minutes. C'est ce qu'il y a entre les deux qui m'intéresse… Les arrangeurs ont tendance à t'en rajouter des tonnes.

Laguitare.com : On revient au second album que j'ai personnellement préféré au premier peut-être parce que je cherchais trop dans le premier des choses qu'il n'y avait pas à chercher.
FV : J'estime que le premier est un album super réussi. Réussi dans ce qui était son projet. Je ne m'attendais pas à ce que ce soit un succès mondial. Cet album a fait exactement ce qu'il devait faire. Je ne savais pas chanter à part faire les chœurs et donc je m'y suis mis. Je me suis mis à écrire. Et il est sorti de tout ça quelque chose de très très personnel. Entre le premier album et le second il y a un fil conducteur très très fort. Un autre savoir faire, une autre façon de faire les choses. Une décision d'arranger plus. Je me demande si le premier ne s'usera pas moins vite.

Laguitare.com : Lors de notre premier entretien tu nous disais que ce premier disque allait gagner en maturité sur le long terme. Exactement ce que tu redis là.
FV : Je n'ai pas écouté " la latitude des chevaux " pendant très longtemps et comme on est en train de préparer la tournée on l'a écouté. J'étais très agréablement surpris. Alors que je ne pouvais plus le voir en peinture. Et à la réécoute j'aime bien.


Laguitare.com : C'est aussi la remarque que je me suis faite ; le second disque m'apprend à mieux comprendre le premier.
FV : Oui j'espère que c'est comme ça. Au moment où l'on commence à envisager les chansons pour les jouer sur scène, le réservoir du premier album plait aux musiciens. Je suis fier de ce premier disque. Il est petit, réussi, il est sensible et c'était exactement le projet.

Laguitare.com : Qu'est ce qui pousse après ça à faire un nouveau disque ?
FV : Se soigner du premier… C'est toujours comme ça. Dès qu'on a eu fini le dernier j'ai commencé à me demander quelles choses j'allais mettre en branle pour en faire un troisième, pour réparer les imperfections que je vois dans celui-là. Et pour aller un petit peu plus loin. Parce que forcément c'est une photo. Même si avec les solutions numériques, jusqu'à ce que le disque soit dans les bacs, tu peux le retoucher. Moi j'aurais tendance à le retoucher ad vitam eternam.
J'ai déjà commencé à bidouiller des trucs pour le prochain album. Parce que quand c'est fini, c'est fini. C'est un très joli jouet de faire un album. Tu es avec des musiciens, c'est ton travail et c'est une chose que tu aimes. C'est mieux que d'être à Disneyland. C'est le plus beau mecano du monde.Quand tu es en train de le faire tu es fatigué, tu es en colère, tu râles parce que c'est dur, ça dure tard le soir, parce que c'est très très humain…

Laguitare.com : Tu n'as jamais eu envie de refaire une chanson qui était sur l'album précédent ?
FV : Je l'ai fait entre le premier et le second. J'ai changé le texte. Sur le 1er CD il y a " la femme sans racine " et sur le suivant " l'homme aux deux mains droites ". J'ai fait une suite. C'est une réponse. Le premier texte était d'Agnès Desmaret et moi je suis parti dans l'autre point de vue. J'aurais voulu avoir écrit le texte de " la femme sans racine " et j'ai tourné ça dans ma tête pour la remettre sur le disque.

Laguitare.com : Dans les textes on a l'impression de bien voir ta vie actuelle, ou en tout cas ce que tu veux en donner…
FV : De ce côté là il y a une différence entre le premier et le second. Il y a beaucoup plus de fables dans le second. Et beaucoup plus de personnages aussi. Les textes je les écris pendant qu'on enregistre. J'ai écrit " les chevaux de Mangin " parce que le morceau demandait ça. Une histoire un peu épique, historique. Ca ça n'existait pas dans le premier.
Lisa c'est quelqu'un qui " aglomère " plein de gens.
Le simple fait de dire un nom change complètement la donne.
Agnès Desmaret qui a écrit des textes du premier album m'a toujours dit il faut dire " je " mais je n'y crois pas. Dire " je ", absolument c'est s'enlever beaucoup de latitude.

Laguitare.com : et " nous avons changé les pièces " (extrait de " le Périmètre ") qu'est ce que ça veut dire ?
FV : C'est un texte différent car il se trouve que pendant l'élaboration de cet album j'ai perdu mes parents. Et c'est un texte que j'avais écrit à la mort de ma mère. C'est un morceau qui parle de manière très cru de la mort de ma mère. Et du rapport d'un homme qui devient adulte, à son corps défendant. Parce que cette perte est quelque chose qui catapulte. Ca s'est passé au moment où tout le monde autour de moi se posait des questions sur les euros et les francs et toutes les questions dès qu'il fallait occuper la discussion c'était " ah..on change les pièces de monnaie ".
Ca peut être pris de plein de façons mais la réalité c'est ça. Je me souviens d'avoir vu tous ces gens qui étaient complètement atteints et qui finalement, quand il n'y avait rien à dire disaient " mais ça fait combien ça en francs ? ".

Laguitare.com : C'est l'une des chansons fortes de l'album…
FV : C'est une chanson très particulière. A mon avis c'est une chanson qui n'a pas été écrite en même temps que les autres. Elle est très typée. Il y avait une volonté de colère. Ce qui est assez rare chez moi. La volonté qu'il n'y ait pas de guitare dans la partie enlevée. Je voulais que ça reste froid. C'est beaucoup plus violent comme ça.

Laguitare.com : En 2002 tu nous disais que pour le 1er disque tu avais un peu lâché la basse pour te concentrer sur les guitares avec une configuration très " noir desir ", à peine une pédale de disto' en plus…As tu aujourd'hui trouvé un équilibre entre les deux instruments ?
FV : Le meilleur équilibre que je pourrais trouver c'est de ne plus en jouer. Je ne voudrais plus jouer de guitare sur scène. En studio j'aime ça parce que j'ai un jeu un peu particulier, assez rigolo et qui se reconnaît, qui donne des solutions. Pour ça je le fais. Mais sur scène je m'aperçois que je chante beaucoup mieux si je n'ai pas à jouer de guitare. Mais on n'a pas de gros moyens alors on me colle une guitare (rires).

Laguitare.com : On dit souvent que le bassiste se cache derrière sa basse. Te sentais-tu frustré dans Noir Désir d'être derrière la basse ?
FV : Absolument pas. C'est tout sauf un instrument frustrant. C'est un instrument de puissance et un instrument de pouvoir. C'est toi qui est placé à côté du batteur, qui maintient le lien entre les guitares, c'est toi qui fabrique la pompe, la puissance. C'est tout sauf frustrant. Il suffit de s'arrêter pendant 30 secondes pour s'apercevoir que ça pose un énorme problème et que tout le monde s'en rend compte. Même si personne n'est capable de chanter une basse c'est un instrument qui est élégant. J'adore cet instrument.

Laguitare.com : Peu savent quel était le rôle de chaque membre de Noir Désir lorsque vous faisiez des chansons….
FV : Bertrand écrivait les textes, j'aimais beaucoup ce qu'il écrivait. Le groupe existait comme ça. Avec une écriture assez rare. Après j'ai fait mon 1er album, j'ai commencé à travailler avec Agnès Desmaret parce que je croyais ne pas pouvoir écrire les textes. Et peu à peu je l'ai poussée dehors. Maintenant je le fais tout seul parce que je préfère.
Ecrire les textes c'est la partie qui m'amuse le plus. Là dessus j'ai la théorie " de l'extrême fatigue ". Tu es en studio et à un moment tu es tellement fatigué que les portes de la perception s'ouvrent. Ca ouvre la sensibilité. Moi j'écris pour la musique, dans la musique.

Laguitare.com : Sur le premier disque il y a Isabelle Becker et Jean Paul Roy, c'était une fin de Noir Désir ou pas ?
FV : Pas du tout. Quand j'ai écrit le texte sur le 1er je me suis dit " ça c'est pour Isabelle ". On l'a fait chanter dans un timbre qui est très très bien. Alors que j'aime pas du tout quand elle chante dans Edgard de l'est. Mais j'adore sa voix. D'ailleurs maintenant elle fait du rock.
Quant à Jean Paul j'aimais beaucoup la basse de " A ton étoile ". Moi la walking bass' je ne sais pas faire. J'ai donc demandé à Jean Paul de venir faire ça. Mais ça n'a rien à voir avec les histoires noir désiriennes…

Laguitare.com : Y-a-il un lien entre le septembre de " Lisa des ombres " (un titre du 2e album) et " septembre en attendant " (titre écrit par Fred Vidalenc pour l'album 666 667 club de Noir désir) ?
FV : Oui oui…le mot septembre… Non sérieusement oui car je pense que c'est exactement le " septembre " que Bertrand évoque dans " septembre en attendant ". Celui où l'on attend. Je pense qu'on parle un peu du même septembre…du même concept… C'est la culture Noir désir ça..Septembre c'est ça… C'est la forme ou la musicalité du mot qui évoque l'attente du " désert des tartares "...C'est la fin d'une période, septembre. C'est la fin des beaux jours et pourtant il fait très beau. Les ombres sont très allongées. C'est une période de fin, de nostalgie, d'attente…

Laguitare.com : Et toi, tu attends quelque chose alors…
FV : (silence…). Ca c'est une question vraiment compliquée… Moitessier dit qu'il faut parfois savoir être la moule qui laisse passer l'eau à travers elle…
Mais je n'ai pas une attente particulière.

Laguitare.com : Que penses-tu de " des visages des figures " ?
FV : J'adore la moitié. Il y a une partie qui est complètement nouvelle, " l'appartement ". Tous ces morceaux un petit peu étranges… et puis après il y a un peu le rappel à la maison, on rallume les grosses guitares, Nini fait tchim poum poum et ça monte. Mais j'adore cette première partie, " le vent l'emportera "…C'est un album que j'aime beaucoup. J'avais appelé Bertrand qui m'avait dit " on ne pourra jamais le jouer sur scène ". J'aime bien les usines à gaz. Quand cet album est sorti j'avais vraiment les boules de pas y être.

Laguitare.com : Et " 666 " ?
FV : 666 était un album de transition et un album qui n'injuriait pas l'avenir.

Laguitare.com : Je voulais te parler des pochettes…celle de ton dernier album est je trouve torturée…
FV : …c'est " quelque chose dans l'ordre "…Ce qui est ostensible c'est qu'il n'y a pas de visage. C'est une réaction car en ce moment tout le monde a une photo en noir et blanc sur les pochette. C'est joli et on voit bien le mec. Sur la mienne on ne voit pas le visage. Mais ce n'est pas torturée en fait. C'est une photo animal. Après l'intérieur de l'album est assez froid. Je suis très content de cette pochette.

Laguitare.com : Et la tournée pour cet album ?
FV : Ce sera pour Avril Mai. J'aimerais un système plus boisée que sur le premier album.

Laguitare.com : Avec ces deux albums, savais tu que tu déconcerterais les fans de Noir Désir ?
FV : Non je crois pas que ce soit si déconcertant que ça… Et d'ailleurs plein de gens ne sont pas du tout déconcertés. Je crois que j'avais un apport à l'intérieur de Noir Désir dont ce que je fais est très très représentatif. Donc je ne pense pas que l'album soit si déconcertant que ça…

Propos recueillis par Julien Chosalland

Site web : http://www.fred-vidalenc.com