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Interview Emilie Chedid, le 9 décembre 2005 - Version longue

LG : Pouvez vous nous présenter votre parcours professionnel avant le projet des "Leçons de Musique " ?

Emilie Chedid : Je suis issue de ce milieu du vidéo-clip en tant que réalisatrice : depuis dix quinze ans au moins, je réalise des clips et des documentaires. J'ai été assistante mise en scène pendant de nombreuses années. Ensuite, j'ai commencé à réaliser des films. Le premier que j'ai réalisé et qui m'a permis de faire des clips est le premier clip de Mathieu Boogaerts qui s'appelle " Ondulé ". Ce qui nous a permis à l'un et l'autre d'être découverts. Lui de signer dans une maison de disques et de faire des albums et moi d'être représentée par des producteurs à l'époque et de faire des clips. J'ai du en faire une bonne vingtaine aujourd'hui, pour beaucoup d'artistes notamment pour Mathieu Boogaerts, Keren Ann, -M-, Tryo, Pauline Croze . Ce sont des artistes très différents mais en même temps qui restent dans une image de la nouvelle vague française. Ce ne sont pas des artistes issus de la grosse variété française, mais plutôt de très bons paroliers et musiciens. J'ai très peu travaillé avec des chanteurs uniquement interprètes. J'ai beaucoup aussi travaillé avec mon frère avant, pendant et après sa réussite. J'ai du faire cinq ou six clips pour Matthieu, cinq pour Keren Ann. A chaque fois que j'ai eu des coups de cœur amicaux au-delà du professionnel, il y a un coté assez fidèle. Alors, j'ai été amenée à travailler de manière assez fidèle et de manière récurrente avec certains artistes. Je réalise les clips, j'écris les histoires, je dirige les acteurs et les artistes. Je produis et réalise mes films aujourd'hui au sein de La Bohème Films qui est une petite structure.
J'ai aussi l'expérience d'avoir fait des captations de concert. Le premier dvd du tour de -M-, la captation du concert de Matthieu où j'étais à la fois réalisatrice de la captation et directrice artistique de tous les contenus des bonus… J'ai fait aussi un dvd pour Juliette Gréco.

LG : Comment est né le concept des " Leçons de musique " ?
Emilie Chedid : Le concept est né lorsque j'étais en train de réaliser le tour de -M-. Au-delà de la captation de concert qui était le projet le plus important dans le DVD, il y avait beaucoup de bonus à concevoir. J'avais des making-of et énormément d'images d'archives que j'avais faites de Matthieu depuis une dizaine d'années. Donc j'ai pu faire plein de bouts de concerts complètement inédits, comme son premier concert guitare-voix dans un petit café à Paris.
Pour un bonus, j'ai proposé à Matthieu qu'on fasse une petite leçon de musique car je trouvais cela assez rigolo. Cela a été nos premières armes. Là, avec des moyens dérisoires, on a fait une leçon du titre "Faut oublier". Ce qui a été très drôle c'est qu'on a eu beaucoup de retours de fans à l'époque où ce petit bonus pour eux était un vrai cadeau à la fois inventif et utile. Face à ces avis cela m'a donné beaucoup d'énergie pour commencer à essayer de monter vraiment des projets particuliers dédiés à des leçons de musique. Ce qui a été très difficile car à l'époque et même encore aujourd'hui, les maisons de disques et les distributeurs sont assez perplexes face à ce projet, dans la mesure où cela ne rentre pas dans une case. C'est un DVD hybride où on fait appel à un artiste ou à un instrumentiste chanteur, un acteur de la scène française important a priori. En même temps, ce n'est ni une captation de concert ni un florilège de tous ses clips ou des choses qu'on voit traditionnellement.
Donc c'est un peu complexe parce que c'est un produit qui a un coût. A la fois c'est une semaine de tournage avec des gros moyens, c'est multi-caméras comme une captation de concert. En plus, on tourne dans un studio d'enregistrement avec ingénieur du son et mastering. C'est hybride dans la mesure où il y a les images et c'est comme un album. Cela demande les mêmes expériences et les mêmes coûts budgétaires qu'un album car ce sont des versions inédites : on réenregistre chaque morceau. Ce n'est pas comme si on allait chercher dans un album la version déjà existante. Tout cela a été un peu compliqué à monter. Grâce au succès du premier numéro qu'on a autoproduit et qu'on a distribué en licence chez Polydor, ce projet a vraiment eu de très bons retours. On a eu une victoire de la Musique qui nous a vraiment beaucoup aidés, c'était tellement imprévu ! On ne pouvait pas s'attendre à tellement de réponses. En l'espace de quatre mois, on a vendu cinquante cinq mille exemplaires de notre DVD ce qui est énorme en France actuellement. On ne pouvait pas imaginer que cela allait marcher comme cela.
Mon leitmotiv c'est de pouvoir sortir un numéro au moins une fois par an. Cela demande beaucoup de temps : c'est six mois de post production. C'est un énorme truc : entre quatre heures trente et sept heures trente de programmes. C'est colossal comme travail.
J'aimerais en sortir un numéro tous les ans pour fidéliser et parce que j'ai l'impression que c'est utile ce qu'on fait. Il y a une démarche de transmission.

LG : Ce concept s'inscrit dans un renouveau pédagogique avec ses nouvelles technologies dvd, cd rom, captations vidéo... Avez-vous été assistés par un professeur de musique ?
Emilie Chedid : On n'a pas été assistés par un prof de musique mais effectivement il y a toute une partie de transcription musicale. Pour l'instant, nous nous sommes axés sur la guitare, même si pour le premier numéro il y avait la basse, la batterie, une petite partie piano et violoncelle. C'était très ouvert. Pour ce second numéro avec Maxime Le Forestier qui chante Brassens on a joué le parti pris de se dire que c'était génial de donner les clés pour quelqu'un, avec sa guitare et sa voix, puisse jouer seul les chansons. Donc on s'est axés sur la guitare.
Evidemment, il y a un monsieur très important pour nous, dans les créations de ces dvd, qui s'appelle Patrick Moulou. Il a une société qui s'appelle "bookmakers". Ils sont spécialisés dans tout ce qui est songbook français. Leurs noms reviennent de façon très récurrente.
Patrick Moulou s'occupe de beaucoup de songbooks, de beaucoup de chanteurs en règle générale. C'est lui qui retranscrit la musique à partir de mes vidéos et il fait les partitions qui sont dans le livret du dvd et qui défilent à l'écran sur dvd. On a vraiment un support technique musical et quelqu'un qui s'en occupe et dont la charge est vraiment de faire que les petites clés pédagogiques soient relativement accessibles à tous, qu'on ne soit pas obligé de connaître le solfège pour comprendre. C'était un vrai désir que j'avais car j'estime qu'on peut avoir beaucoup d'oreille sans connaître le solfège. Beaucoup de gens ne savent pas et ne souhaitent pas apprendre le solfège.

LG : Et vous-même êtes-vous musicienne ?
Emilie Chedid : Je suis un peu musicienne. Par exemple, je ne sais pas lire une partition puisque je n'ai pas appris le solfège mais j'ai beaucoup d'oreille. Si je me mets devant une guitare, une basse ou piano, je joue très mal mais je pourrais à l'oreille retrouver un truc. Justement je voulais ouvrir à tous ceux qui n'ont pas les clés, qui n'ont pas eu l'argent pour se payer des cours particuliers, qui à l'école n'ont pas eu les cours de musique, ou des profs aigris la plupart du temps… en tout cas c'est ce que j'ai pu vivre : des profs qui ne donnent pas envie d'apprendre.
Face à cela, je me suis dit qu'il était intéressant pour des jeunes de donner ce support visuel et écrit et toutes les clés possibles. Ensuite, ils ont le choix d'apprendre seuls. Soit ce sont des "perroquets visuels" et ils vont essayer de mémoriser les trucs en regardant la vidéo, soit ils vont retrouver à l'oreille un son, soit en regardant un diagramme, soit en regardant le livret avec les partitions de base pour tous les instruments. Les uns comme les autres, on est tous différents, on a tous des velléités différentes. Peut être que cela va convenir à tout le monde. En même temps c'était assez difficile : c'est à dire que je ne voulais pas faire des initiations pédagogiques. Il était hors de question que je demande aux artistes que je sollicite qu'ils s'adaptent aux débutants. Au contraire, l'idée était de proposer quelque chose d'inaccessible au départ à un débutant mais de proposer des clés simples d'adaptation. Même s'il ne joue pas les arpèges, avec deux accords le débutant peut jouer la chanson.
Il fallait donner des clés d'adaptation, donner des clés simples pour les débutants et aussi s'adresser en même temps à des instrumentistes qui sont un peu ouverts et qui ont envie d'en faire un métier ou, même si ce sont des musiciens du dimanche, d'avoir envie d'aller plus haut que ce qu'ils sont maintenant, et qu'ils apprennent aussi.
A la sortie, après avoir gratté avec Maxime ou Matthieu, ils auront fait des progrès. On n'avait pas envie d'être au ras des pâquerettes. Puis, il existe pleins de dvd pédagogiques d'initiation de musique et ils sont fait pour cela. On propose quelque chose de différent : faire de la musique avec des artistes connus. C'est une autre démarche, ce sont des masters class en quelque sorte. A priori je ne vais pas faire de leçons de musique avec quelqu'un qui ne chante pas. Je veux faire valoir aussi un instrumentiste qui maitrise un instrument mais qui arrive à chanter en même temps car c'est très important pour les jeunes de dissocier les deux. C'est très difficile de bien jouer en chantant.

LG : Quelles ont été les plus grosses difficultés rencontrées dans la réalisation des deux DVD ?
Emilie Chedid : On se confronte à une réalité économique grandissante où bien sûr même si on a des très bonnes idées comme celle-ci, (parce que c'est une très bonne idée, sans orgueil mal placé car c'est une très bonne idée et simple). Tout le monde aurait pu y penser mais c'est moi qui l'ai fait. Maintenant qu'il y a des retours très positifs, les gens disent qu'ils avaient déjà eu l'idée de cela il y a quinze ans. Sauf que je comprends pourquoi personne ne l'a fait ! Car c'est très pénible à monter. Pour faire un dvd on est obligé de travailler pendant un an comme des brutes.

LG : Parce qu'il faut un an pour faire un dvd ?
Emilie Chedid : Il faut entrer en contact avec un artiste puis avec sa maison de disques. Ensuite on voit si sur le plan financier c'est possible ou pas. Il peut s'écouler entre trois et cinq mois. Après c'est très compliqué pour concrétiser un contrat. On touche aux lignes éditoriales. On doit demander une autorisation à la maison de disques car c'est la maison d'édition et la maison de disques qui sont en jeu. L'artiste évidemment est au milieu de cela et ensuite il y a nous, nos distributeurs et nos points de vente. Tout le monde est très gourmand face à cela. Quoiqu'il arrive, ce projet coûte très cher et il est difficilement rentable. Par rapport à cela nous sommes dans un état d'esprit de production. On a envie que ce projet existe alors nous, on aimerait arriver à un point mort. Que cela se rentabilise au point mort. Rentabiliser sans gagner d'argent forcément. C'est ce qui se passe aujourd'hui. Il faut en vendre quarante cinq mille exemplaires si ce n'est plus pour arriver au point mort ; ce qui est colossal aujourd'hui. C'est une collection à part. Elle n'est pas du tout rentable. Il s agit plus d'une collection de prestige et de passion aussi. C'est comme cela que cela fonctionne. C'est assez difficile à monter. La Bohème Films qui est une structure artisanale a beaucoup de mérite dans la mesure où cela demande une énergie énorme et il y a beaucoup de contraintes. Ce n'est pas donné à tout le monde de faire ce qu'on fait. Sans orgueil mal placé c'est juste que c'est beaucoup de travail pour pas beaucoup d'argent en définitive.

LG : Quels sont les artistes que vous souhaiteriez voir participer aux prochains DVD ?
Emilie Chedid : J'ai une liste colossale qu'on met à jour régulièrement de plein de choses. Pour l'instant on fait nos armes ici. La guitare est un instrument très fédérateur. Il y a énormément de jeunes instrumentistes qui ont les moyens de s'offrir une guitare plutôt qu'un piano ou un violoncelle ou même une batterie qui coûte bien plus cher. La guitare est un instrument que les chanteurs utilisent beaucoup en règle générale. Cette collection est libre car j'en suis à l'origine, donc je n'ai aucune contrainte par rapport à un catalogue. Je décide. J'aimerais faire des leçons avec des pianistes, ce serait le deuxième instrument de prédilection. Sinon par rapport à la liste, il y a des tonnes de gens, beaucoup de gens. A quoi cela sert de les citer dans la mesure où il y en aura un par an a priori ?
Bien sûr, il y en a des tonnes. Il y en a plein avec qui j'aimerais le faire mais cela ne peut pas se faire.

LG : Comme par exemple ?
Emilie Chedid : Je ne peux pas le dire. C'est pas bien de le dire puisque cela ne met pas en jeu que moi ce n'est pas bien de le dire car cela met en jeu les maisons de disques et les gens qui bloquent les choses par rapport au budget. Je ne peux pas cracher dessus parce que chacun a ses priorités. C'est tant pis pour eux car il y a beaucoup d'artistes qui voudraient le faire mais il y a pas mal de maisons de disques qui bloquent en ce moment. C est pas grave, même si on arrive à en sortir un tous les ans ce serait magnifique. Mais ce n est pas grave, je pense surtout à ceux qui l'achètent. Celui de Matthieu, ils ont appris les trucs. Là il y a celui de Maxime qui est sorti. Ils en ont pour six ou huit mois pour des débutants et moyens niveaux. Deux par an ce serait parfait mais nous n'avons pas les moyens.

LG : A présent pour le prochain vous ne savez pas ??
Emilie Chedid : Le prochain, il y a des possibilités mais je ne peux pas vous en dire plus. En fait, on sera vraiment fixés fin février. Il y en a plusieurs mais tant que ce n'est pas encore contractuel et c'est différentes majors. Je n'aimerais pas commencer à citer des choses qui ne seraient pas dans le bon ordre et commencer à me piéger. Ce n'est pas du tout de la parano, c'est juste par rapport à certains artistes et une volonté d'être précurseur. Je n'ai pas envie d'être déplacée par rapport à certaines choses. Parce que c'est tellement difficile à monter ce projet, je n'ai pas envie qu'ils apprennent sur le site " tiens ton prochain tu le fais avec machin" alors que je le ferai peut être avec quelqu'un d'autre, je ne veux pas de cela.

LG : Avez vous des anecdotes marrantes sur les deux phases d'enregistrements des dvd ?
Emilie Chedid : C'est vrai que le premier dvd des leçons de musique on l'a fait de façon "home made". Personne n'y croyait à l'époque. Heureusement mon frère Matthieu était le seul à y croire et c'est grâce à lui que cela a existé et parce qu'il m'a donné une semaine de sa vie gratuitement à l'époque en me disant : " on le fait ". On a enregistré pendant une semaine. J'ai complètement auto-produit ce projet. Ce qui était très rigolo c'est que tout le monde faisait ses armes. C'est à dire que c'était la première fois que cela se faisait, on n'a pu copier sur personne. J'avais acheté des cd rom et trucs du genre mais rien ne me convenait. De tout ce que j'ai pu voir dans les initiations musicales, rien ne me convenait. Il a fallu concevoir ce projet tout seul de A à Z. Ce qui était drôle, c'est qu'on a tourné cela dans un studio à la campagne. L'anecdote que j'ai sur le premier numéro c'est qu'on l'a auto-produit comme un court métrage. On avait une semaine de tournage. Un matin, au petit déjeuner, je dis à Stéphane, qui travaille avec moi : "j adorerais que Matthieu te donne un cours de guitare pour un bonus". Stéphane, qui est l'assistant de production, est comédien n'a jamais touché une guitare de sa vie, c'est vérité totale

Stéphane : Ah oui !

Emilie Chedid : Ce petit bonus a été super drôle. Il a été tourné dans l'improvisation totale où Stéphane a pris un cours de guitare avec Matthieu. Ce bonus existe sur le dvd où on était pliés en douze parce que ce qui était très drôle, c'est qu'à la fois, au-delà de ses velléités de comédien où évidemment il a un sens de la repartie, il était vraiment dans le personnage du mec complètement nul qui sait rien faire. Il y a un vrai comique de situation auquel on croit.
A la sortie du dvd beaucoup de gens se sont dit " oh la la ce mec qui prend un cours avec Matthieu mais il est génial ". Cela fait partie des très bonnes surprises et des anecdotes rigolotes. Nous l'avons fait un peu " private joke " en pensant que cela n'allait faire rire que nous et en définitive cela a fait rire plein de gens.

Pour Maxime, le grand moment qu'on a vécu est aussi pour les bonus. Le tournage était aussi assez exceptionnel puisqu'on se retrouve dans un studio avec l'artiste qui reprend les chansons. Il fait deux trois versions, tout d'un coup sa voix déraille. Tout cela est en direct il n'a pas de réplique comme sur un album où on peut tricher et retoucher. C'est très franc du collier et c'est très courageux pour un artiste de jouer ce jeu là parce qu'on peut faire des fausses notes à la guitare et à la voix. . Il faut être suffisamment armé pour lâcher prise sur le truc totalement perfectible car on ne peut jamais être parfait dans ces cas là. C'est une très jolie leçon à donner aux jeunes de leur montrer que des artistes confirmés font des fausses notes. On l'a laissé, c'est très intentionnel. Ce sont toutes les fragilités dans le direct qui sont belles.

Pour Maxime le moment fort dans les bonus qui n est que sur le double dvd la série limitée il y a un bonus exceptionnel, on a rencontré à Gibraltar Pierre Onteniente qui a été le secrétaire particulier de Georges Brassens pendant toute sa vie. C'est un monsieur qui doit avoir pas loin de quatre vingt dix ans aujourd'hui, un mec génial humainement.

Il nous a ouvert sa maison. C'est un moment très beau que je garderai toute ma vie parce que ce monsieur nous a donné quelque chose d'exceptionnel.

LG : Est-ce que les prochains dvd garderont la même structure pédagogique ou est-ce qu'elle va évoluer, car il semblerait que les bonus eux vont évoluer en fonction de l'artiste?
Emilie Chedid : Je pense que dans tous les cas, d'un point de vue purement technique aujourd'hui, on a beaucoup réfléchi au delà de l'arborescence. On a poussé jusqu'au bout l'authoring du dvd.. Aujourdhui, personne ne sait faire ce qu'on fait. A l'époque, quand je savais que je voulais faire des multi-angles et faire passer des partitions, j'ai sollicité une dizaine de boites à Paris spécialisées dans l'authoring des dvd en leur expliquant mon arborescence

LG : Vous avez pensé à Eric Boell, CNP Music ?
Emilie Chedid : CNP, je connais on les a sollicités. Mais les gens à l'époque disaient que c'était impossible et que cela allait bugger partout.
Maintenant tout le monde peut le faire. A l'époque on a mis six mois à mettre en place cet authoring. On a fait énormément de tests car il y avait beaucoup de choses qui ne fonctionnaient pas. Donc je ne pense pas que sur ce support on puisse aller au-delà d'où on a été. Le support est très restreint sur dvd ce n'est pas comme un cd rom. Un cd rom propose plus de possibilités mais après avec la vidéo ce n'est pas intéressant du tout par rapport à ce qu'on fait. C'est vrai que le support du dvd est assez restrictif. On ne pourra pas faire plus que ce qu'on a et qui fonctionne très bien. Parce que d'un point de vue fonctionnalité il y avait des choses compliquées : quand on change d'angle, tout d'un coup, il y avait plus de son, or ce sont des choses qui peuvent être possibles. On a fait aussi des choix pour qu'au point de vue navigation ce soit fluide. On a choisi d'être le plus clairs possible pour que ce ne soit pas trop compliqué à utiliser. En règle générale il n'y a pas beaucoup de gens qui savent se servir d'une commande de dvd.

LG : C'est vrai que les menus sur dvd sont très mal faits souvent…
Emilie Chedid : Voilà ! On a essayé d être accessibles pour tout le monde. On peut s'adresser à des enfants de dix ans comme à des gens de quarante ou cinquante ans.
Je ne pense pas que cela va changer malgré tout. On a trouvé une façon assez claire de faire valoir les partitions et le défilement, et tout cela fonctionne. Je pense que c'est assez accessible.
Après ce qui peut changer, ce sont les instruments. Là, pour le coup, leurs places seront différentes et comme vous le disiez, les bonus sont assez libres.

Les bonus sont tout à fait libres par rapport à l'artiste. C'est-à-dire que je me les réserve.
Pour Maxime qui chante des chansons de Brassens, on a axé les bonus sur le langage et l'écriture. On a fait appel à un linguiste qui s'appelle Louis-Jean Calvet, qui est aussi biographe et qui a fait entre autres une biographie sur Brassens qui est très bien.
L'écriture de Brassens est assez exceptionnelle, les mots, le vocabulaire. Même les adultes ne savent pas la signification de certains mots.
Même moi, j'ai appris énormément de choses, j ai fait des relevés de mots un peu difficiles et de toutes les chansons. On a fait un dictionnaire là-dessus. On a fait des explications de textes avec Maxime et Louis-Jean Calvet qui explique les tournures des mots, comment Brassens a fait des tournures alambiquées avec des jeux de mots dans le mot. Cela c'est très beau aussi. C'est très intéressant de montrer que la langue française a une richesse énorme et que par rapport à cela, il y a eu beaucoup d'auteurs qui ont détourné certains sens.
Je trouvais que c'était incontournable de parler du langage avec un Brassens.

LG : Donc il n'y a pas que l'instrument qui a été mis en valeur, il y a aussi le texte …
Emilie Chedid : Le texte et la composition. On a toujours tendance à penser que Brassens avait des compositions très naïves et très simples à la guitare. La référence c'est toujours le Gorille avec ré la ré la pendant quatre heures et en fait non.

LG : Il faut le chanter aussi…
Emilie Chedid : Il faut le chanter ! Brassens écrivait au départ. Puis il a pris une guitare pour chanter ses chansons. Il ne voulait pas du tout être sur scène mais il voulait écrire pour les autres. Par des concours de circonstances qu'on découvre sur le dvd, il a fini un jour par passer sur scène et cela a été un énorme tabac parce qu'à l'époque il était très subversif, il y a eu plus de quinze chansons de Brassens qui ont été interdites et censurées à l'époque. C'est ainsi qu'il s'y est mis. Ce qui est drôle, c'est qu'au départ, il était très mauvais musicien. Nous on a trié les douze chansons par ordre chronologique. Ce qui est très drôle, c'est de voir sa progression notoire à la guitare. A la fin, il fait des arpèges alambiqués et cela passe entre couplet refrain. Cela devient vraiment de la grande musique, c'est de la grande guitare. C'était aussi pour montrer que Brassens est un grand guitariste et Maxime est un grand guitariste. Maxime s'est imprégné de ces chansons et il les chante depuis plus de dix ans. Il le fait très bien et de façon très humble. Sa voix est extraordinaire. Je trouve que Maxime, à la fois à la guitare et au niveau du chant et au niveau de la diction, il y a quelque chose de très fort et puis on sent qu'il n y a pas de racolage par rapport à cela. Il y a une envie de transmettre, une envie de remettre en mémoire qui est Georges Brassens pour tous ces jeunes. Il y a plein de gens qui ne savent plus qui est Brassens, qui ont appris un texte à l'école il y a longtemps.
Quand on relit des textes on se rend compte que c'est quelqu'un qui a pris des risques énormes. Il a dit des choses très graves et très drôles très cyniques et très subversives.
Je trouve que c'est un empêcheur de tourner en rond. Si on le remet dans son époque.

LG : Pour en revenir au dvd, y aurait-il un autre instrument privilégié que le piano comme vous l'avez dit ?
Emilie Chedid :
Mis à part David Halliday qui chante et joue de la batterie, je ne connais pas beaucoup de gens qui chantent et jouent de la batterie en France. Malheureusement la collection s'adresse vraiment aux francophones. Pour le moment on fait nos armes ici.
Si je pouvais en faire un avec Paul Mac Cartney ou Prince, c'est sûr cela fait partie de mes premières envies. Sauf qu'en ce moment ce n'est pas possible et envisageable. C'est encore autre chose c'est un deuxième niveau.
Pour le moment on fait nos armes ici et on montre que c'est possible, que cela existe et qu'il y a une vraie envie et que des gens sont ravis du résultat.
Je pense que c'est un dvd qui se garde, qui se transmet de père en fils. C'est un peu comme un bouquin. J'ose imaginer que c'est un peu comme un bouquin, que c'est un truc qui se prête, se donne ou s'échange. J'ose imaginer que des cinquantenaires qui jouent de la guitare vont peut être acheter le dvd de Maxime et vont dire à leurs enfants et leur petits enfants " Tu as envie de jouer de la guitare ? Tiens … "

LG : C'est un projet qui vous prend tout votre temps ?
Emilie Chedid : Non, je fais d autres choses quand même. C'est vrai que ce projet est un projet qui vient de nous, construit et élaboré par nous. Sinon je continue à faire beaucoup de clips.
Je n'ai pas refait de captation de concerts car je n'en ai pas eu le temps, parce que cela me prend beaucoup de temps à côté. Un peu de pub, des clips et pas mal de choses à côté parce que cela me fait plaisir.
Peut être qu'un jour je passerais au long métrage, car j'adore raconter des histoires. Je suis une personne de la fiction, j'aime travailler avec des acteurs.
En ce moment, je mets en scène une pièce de théâtre… C'est vrai que je fais d'autres choses à côté ! Je suis une cinéaste et metteuse en scène, ce sont mes qualités. Donc, c'est pour cela que les leçons de musique sont aussi bien faites d'un point de vue packaging. J'ai un souci du détail, du fond de couleur qui va être derrière Matthieu ou Maxime, des petits décors que je vais faire... J'ai envie à la fois de respecter l'univers de l'artiste avec qui je fais ce projet, d'être cohérente et à la fois que ce soit beau. J'ai envie que ce soit beau, je n'ai pas envie de faire des leçons de musique pour faire des leçons de musique. J'ai envie de faire de jolis produits qu'on a envie de regarder. Il y a des parties plus libres comme le karaoké. J'avais envie que ce soit agréable à regarder même pour ceux qui ne font pas de musique.

Emmanuelle Libert et Jacques Carbonneaux - Retranscription : Emmanuelle Libert, Marianne et Marie-Victoire