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Reportages :

INTERVIEWS MUSICIENS - BRAD RABUCHIN RENCONTRE AVEC BRAD RABUCHIBN

  

INTERVIEW - Brad Rabuchin
REDACTEUR : Jean-Louis Biogeaud

Sur la route avec une légende..... (traduit de l’Américain)

Salut à tous, à l’occasion d’une collaboration avec Brad Rabuchin, guitariste émérite de Los Angeles, California, il m’est venue l’idée de lui faire parler de son travail auprès de Ray Charles qu’il a accompagné et donc suivi de prés pendant plusieurs années. 

JLB: Alors Brad, parle nous de ta vie de guitariste avec le légendaire Ray Charles

BR:  J'ai eu la chance d'être le dernier guitariste de Ray (environ 5 ½ ans à compter de la mi-1998 jusqu'à sa mort en Juin 2004). Je suppose qu’une façon de donner une image de ce que c'était que de jouer avec Ray est de raconter quelques histoires. Voici comment je suis arrivé dans l’orchestre: j'avais présenté une démo à son management deux ans auparavant. Puis un jour j'ai reçu un appel de son bureau: «Êtes-vous libre pour un concert ce vendredi?". Il s'avère que ce fut mon audition: un sound-check court sans Ray et ensuite, sans répéter, jouer au festival de jazz Concord à San Francisco, CA. Je n'ai même pas pu le rencontrer jusqu'à après le concert. À un moment donné au cours d'une mélodie de type blues, il a joué une phrase de 4 mesures, puis s'arrêta. L'un des autres musiciens m'a crié: "c’est pour toi!". Donc, nous avons échangé des chorus en 4/4. Ce concert a été mon audition: Aller dans l'eau, nager ou disparaitre.

JLB: ce procédé d’embauche existe dans le métier, et dans le jazz, mais c’est vrai qu’on ne s’attend pas à ça de Ray Charles, a ce niveau de rigueur dans les shows...

  BR: De là, nous sommes partis directement en tournée et j’ai du apprendre tous les titres du répertoire quand nous avons pris la route. Ray a été en concert 200 jours par an durant cette période et a continué a ce rythme jusqu'à moins d'un an avant sa mort. Jouer avec Ray aurait pu être très difficile, dans une soirée on pouvait aller de l'âme du blues au jazz à la country et  la pop. J'ai trouvé que ce qui fonctionnait le mieux était de garder mon set le  plus simple: presque toujours juste une guitare (style strat HSH ou 335) avec une overdrive et une pédale de volume sur un ampli.

JLB: y avait t’il un secret pour durer chez Ray Charles?

 BR:  Je pense qu'un secret pour jouer avec succès avec Ray a été d'essayer de comprendre comment il entendait la musique et de se connecter avec lui. En tant que guitariste, je partageais le même espace avec lui dans la rythmique. J'ai essayé de trouver des moyens d'ajouter des choses, mais en même temps respecter le fait que c’était était bien sûr son spectacle avec son chant et le piano sur le devant de la scène. Je pense que cette idée illustre bien l'un des aspects les plus importants pour être un sideman efficient: trouver des moyens de contribuer à la réussite du groupe, cela peut signifier jouer peu ou beaucoup, ajuster le son et le style pour s'adapter. Avec Ray ou tous les autres artistes avec lesquels j'ai travaillé, une autre clé a été de jouer en confiance, faire le travail en sorte que l'artiste se sente à l'aise, et de le rendre facile pour lui avec un bon son. Je trouve que c'est un défi intéressant d'essayer et d'injecter une partie de ma propre personnalité musicale, tout en tentant d'atteindre les objectifs mentionnés plus tôt.
 
 
JLB: belle définition du métier en effet. Les non voyants semblent avoir une sensibilité à fleur de peau, et ne se laissent pas distraire par les événements extérieurs, ce qui leur confère une concentration importante...


 BR:  Plus que n'importe quel musicien avec qui j’ai jamais joué, Ray était toujours «dans l'instant» à la fois musicalement et émotionnellement. Il semblait qu'il entendait chaque note que vous avez joué. il n'était pas fan d’exhibition ou de jeu rapide pour le simple plaisir d'impressionner. Vous pouviez faire des erreurs, mais tout ce que vous aviez joué devait dire quelque chose. Quand il entendait une phrase de solo qui le touchait, il savait souvent répondre par un commentaire émotionnel (un contrechant) qui  vous faisait ressentir un picotement dans la colonne vertébrale; vous  saviez alors que vous étiez sur la bonne voie.

JLB: un mélange de sensibilité et d’accessibilité...

  BR: yeah! une bonne illustration de ceci est un concert que nous avons fait à Varsovie. Nous avons volé depuis Los Angeles dans la journée avant le concert de Ray et le trio. Ray a également eu à faire une interview télévisée en live show ce soir-là et j'ai pensé que nous allions jouer un morceau ainsi en quartet. Le seul problème fut que le vol du batteur depuis les États-Unis (NY) a été retardé pour ne pas arriver avant le lendemain matin. Alors ce fut  juste Ray, le bassiste et moi-même qui  eurent à jouer en trio. Immédiatement avant d’entrer sur le plateau en direct, avec horreur, nous avons découvert que Ray voulait jouer une mise en place et un arrangement que nous n'avions jamais joué et dont nous n’avions jamais entendu parler! Ray nous a donné la clé et nous dit «vous allez l'entendre, ça va aller tout seul». En fait, on s’en est très bien sortis, mais mon cœur à battu trés fort pendant quelques minutes sur  ce morceau. Nous avions suivi Ray d’instinct...

JLB: deux cent jours par an sur la route avec le jet lag, ça forge le caractère...

   BR: Chaque fois que nous arrivions à la maison à Los Angeles après une tournée ou une nuit blanche, Ray était OK pour une journée ou deux relax, puis il s’agitait pour sortir et se produire de nouveau. En conséquence nous avons fait des combinaisons de fous dans le déroulement des tournées. Je me souviens d'une époque où nous avons joué à New York, on s'est ensuite le lendemain envolé pour Paris pour un concert là-bas, nous avons pris l'avion pour la Floride (Etats-Unis) pour un concert, puis pour l'Estonie et enfin de retour en France le tout en moins d'une semaine. Une autre fois, nous nous sommes envolés de Los Angeles à Rome pour jouer une seule chanson (Georgia ) au Colisée. Et puis retour à Los Angeles dès le lendemain. Et ainsi de suite...

JLB: parle nous un peu de ce fameux concert anniversaire de l’Olympia, magique autant qu’imprévu sous cette forme.

   BR : Notre concert à l'Olympia a été inoubliable. Nous étions en tournée avec le big band et avions joué à Lisbonne, Portugal. Nous sommes allés à l'aéroport le lendemain matin. Nous avons rapidement réalisé que ça allait être très dur pour obtenir notre vol vers Paris pour le concert de ce soir-là, parce que deux choses avaient comploté contre nous. Le temps était en train de se dégrader sérieusement, et en plus, une grève du personnel de l'aéroport venait de commencer. Des vols ont été annulés et tout le monde essayait désespérément d’obtenir des billets et de monter sur le peu de vols qui restaient. Après maints marchandages, nous avons pu obtenir juste assez de sièges pour Ray, son secrétaire, son clavier tech, et 3 musiciens (guitare, basse et batterie) ainsi que notre équipement sur le dernier vol au départ de Lisbonne. Le reste du big band a été abandonné et a passé la nuit à l'aéroport de Lisbonne.

   Le retard causé par ces complications fait qu’à notre arrivée à Paris, nous avons eu à peine le temps de nous précipiter pour le concert, changer de vêtements, établir un répertoire et monter sur scène. Si vous regardez attentivement, sur le DVD, vous pourrez voir que nous n'avons pas eu tous nos bagages. Nous avons eu nos costumes, mais pas de chaussures habillées. Le batteur et moi , nous portons nos tennis noires et le bassiste est juste en chaussettes noires! (Il avait voyagé avec des tennis blanches). Ensuite, ce qui avait été conçu comme un concert du big band a dû être rapidement converti en un concert du quartet. Nous avions fait des concerts occasionnels en quartet mais c'était la première fois que nous avions à réaliser un spectacle aussi long. En conséquence environ un tiers des morceaux n'avait jamais été produit en quartet. Donc, il y a eu quelques moments libres ou nous avons improvisé les arrangements que nous avons joué. Mais cela était typique de Ray, il n'hésitait jamais  à ajouter des séquences, modifier les morceaux en plein milieu, changer les arrangements d’origine. (Plus d'une fois j'ai eu à jouer des titres sur scène avec lui que je n'avais jamais entendu et les comprendre au fur et a mesure que nous les interprétions.) Cependant, je pense que le show de l'Olympia avait une très belle ambiance intime bien à lui et il a été très cool, de sorte que les événements malheureux ont convergé pour en faire un concert superbe. On découvre dans cette soirée un aspect de Ray avec l'attitude: "on va simplement jouer, avoir du plaisir, et voir ce qui se passe".

JLB: je me souviens que, effectivement, le plus grand tube de Ray, (What d say?) est un thème qu’il a improvisé avec le public et les choristes un soir où il n’avait plus rien à jouer en rappel.

En matière d‘actualité, que se passe t’il actuellement pour toi ?

  BR : Je viens récemment d’enregistrer en duo une version d’ Eleanor Rigby avec le guitariste Jean Louis Biogeaud que tu connais je crois. Il m'a demandé ce que nous pourrions faire ensemble et j'ai pensé à cette chanson. J'ai de bons souvenirs de l’avoir jouée avec Ray et un orchestre symphonique. La voix de Ray et son piano posés sur l'ensemble de ces cordes et vents était  tout simplement magique. J’ai eu plus d’une fois des frissons en l'interprétant près de lui. C'est donc un petit hommage à Ray, mais avec quelques cordes de moins!

JLB:  ah ah, bon, j’écouterai. Ca sort quand ?

BR: trés bientot, le mix final est en cours, c’est un disque de duos que JL a enregistré avec plusieurs amis guitaristes de différents styles et pays. Un disque de guitaristes donc.

JLB: merci Brad, à bientôt peut être en tournée en France ?


BR: j’y compte bien

Hormis Ray Charles, d'autres crédits de Brad Rabuchin comprennent Bonnie Raitt, Stevie Wonder, Tom Jones, Louie Bellson, Willie Nelson, John Pisano et Pat Martino, entre autres. Brad Rabuchin enseigne au Musicians Institute (GIT), il a aussi 2 albums à son actif avec des compositions: «Cats have edge» et «When Smart Dogs Go Bad".

En savoir plus sur lui : Reverbnation.com / bradrabuchin

Pour info, Brad Rabushin utilise généralement les guitares Mélencon, modèles «Custom Artist» : http://www.melanconguitars.com/
fabricant situé en Louisiane USA , excellentes guitares sur toute la gamme et les fameux amplis Tone King, série «Métropolitan»  : http://www.toneking.com/ juste superbes et sonnant comme le paradis....

voila, vous savez tout!

à très bientôt sur nos lignes...

Jean-Louis Biogeaud - mai 2011
 
Culture Guitare