Samedi.
La dernière soirée de la cuvée Issoudun-2007
commence.
Long voyage autour de la méditerranée, dAgadir
à Beyrouth en passant par la Crète, lAndalousie,
la Hongrie, la Camargue et lAnatolie. Les souvenirs se mêlent,
fête tzigane, nouba Arabo-andalouse, transes Gnawa, plaintes
gitanes... Je me laisse porter, égarer, dans ce pays inconnu
mais familier...
Sur scène,
quatre musiciens en tenues sombres : A gauche Francis Varis à
l'accordéon et Pascal Stalin ("Kalou") à
la basse.
A droite le chanteur andalou Jose Montealegre et le percussionniste
brésilien Ze Luis Nascimento.
Au centre de
la scène, une touche de bleu : c'est Titi Robin...
guitare , oud et bouzouq.
Si sa musique
est souvent rangée dans le fourre-tout des "musiques
du monde", cette appellation condescendante a plutôt
tendance à déplaire à Titi Robin et l'on ne
saurait l'en blâmer. Sa musique est un unique et brillant
mélange de musiques populaires et savantes du vaste pourtour
méditerranéen. Il existe deux catégories de
musiques : Celles qui existaient avant même davoir été
jouées pour la première fois et celles qui, artificielles
et vaines, ne seront jamais.
La musique de Titi Robin existe, a toujours existé... Explorateur
inspiré, il la découvre en nous, pour nous...
Ainsi, une mélodie
au bouzouq digne des ruelles d'Istanbul et une partie vocale "typiquement
gitane" pourront coexister dans une pièce authentique.
Le bassiste peut peut-être y ajouter une mélodie tellurique
évoquant les rythmes Gnawa, les boucles enivrantes du Gembri
de Abderrahman Paca (Nass El Ghiwane) ; l'accordéon pourrait
même prendre une teinte tzigane... Lensemble qui les
contient les dépassera, les transcendera... tout semble possible.
Mais ne rêvons
pas... réussir une telle alchimie ne relève pas d'un
patchwork érudit mais d'un talent profond.
Avec Titi Robin, le « métissage » nest
pas une posture calculée, cest une évidence
naturelle.
Bien sûr,
on retrouve avec plaisir ces ambiances festives chères à
Emir Kusturica avec son célèbre No Smoking
Orchestra mais il y a bien plus et en particulier, ce qui est plutôt
rare sur la scène « World » mais très
fréquent dans la musique orientale, des longues mélopées
brodées où aucune pulsation rythmique nest directement
perceptible : Les notes surgissent en guirlandes syncopées,
construisant lentement lunivers aérien dans lequel,
plus tard, lentement, une rythmique naîtra, lorsque chaque
aspect du « mode » utilisé aura été
révélé, dautres splendeurs viendront...
ces musiques là savent prendre leur temps ! Tout un art...
Visiblement, Titi Robin a étudié ces choses là
mais surtout elles sont en lui et sortent comme la larme sort de
lil submergé par lémotion.
Bref ... Bien
sûr je pourrais parler plus en détails pendant de longues
heures mais je vous conseille plutôt découter
lalbum
le plus récent, daller voir en concert cet artiste
inoubliable, de suivre par vous même le chemin quil
nous indique.
Retour en France
... Le public hésite à laisser la lumière simposer
dans la grande salle du centre culturel A. Camus... Soit, il faut
sortir, la soirée doit se poursuivre dans la petite Salle
du « Méli » .
On y retrouve
Walter Lupi. Ce nétait pas prévu mais
la surprise est agréable. Je lai découvert lan
dernier ici même et jai limpression quil
a progressé. Son jeu est fluide, tout semble facile. Ce grand
gaillard plutôt réservé nhésite
pas à nous ouvrir son cur... Faisant violence à
sa timidité naturelle, Walter Lupi ose toutes les délicatesses.
Le public, dans une salle pleine à craquer, écoute
en silence et au bout d'un moment, plus personne nose plus
passer commande au bar situé en face de la scène...
Moment trop bref avec cet artiste sincère et profond ...
Il est temps
de laisser la place aux suivants : le célèbre duo
A. Giroux / J.L. Mahjun.
Alain Giroux
réveille les standards et maintient le cap avec discrétion
et efficacité. Sa technique est invisible mais réelle.
Cette musique là fait partie de son corps, de son âme,
il y a consacré sa vie. Ceux qui assistèrent à
sa masterclass lont
compris.
Jean Louis Majhun, lutin facétieux, livre des solos impétueux,
bourrés de clins dil variés et fait déraper
blues et boogie vers des rivages imprévus.
Ensemble... virtuosité et feeling se mêlent, senrichissent...
Je dois quitter la salle avant la fin...
J'ai rendez-vous avec Titi Robin et ses musiciens pour papoter un
peu...
Belle conclusion
pour une cuvée 2007 de grande qualité.
Maintenir un tel niveau lannée prochaine constituera
un défit redoutable...
Hubert BAYET le
03 novembre 2007
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