Rechercher sur
laguitare.com
L'annuaire laguitare.com
Newsletter
Services - Publicités
Annoncer - CONTACTS

 


Franck Monnet
Réservoir - Paris
07 février 2006

Le mardi 7 février, le Réservoir a donné, pour la deuxième fois, carte blanche à Franck Monnet le temps d'une soirée.
Ce concept original permet de mettre en lumière certains artistes moins connus.

Pour la première partie, la scène est confiée à Derrière la Cravate, un trio dans la pure tradition des bistrots parisiens, composé du chanteur qui est aussi guitariste, d'un accordéoniste et d'un clarinettiste.
La guitare est une Cuenca avec des cordes en nylon, jouée sans médiator, pour un son sans fioriture et assez rond. Le chanteur a un jeu assez rythmé et marqué, il varie les styles. C'est bien sûr la chanson qui domine : une guitare d'accompagnement, structurant les morceaux, un accordéon chaud et convivial et une clarinette qui apporte une petite touche jazz.
Les morceaux ont une authentique saveur d'autrefois, que ce soit dans le son, dans les paroles un peu désuètes, ou encore dans le look (le chanteur est coiffé d'un béret qui n'est pas sans rappeler les représentations stéréotypées du bon français par les américains - il ne manque que la baguette et le saucisson !)
Mais parfois, la guitare sort de cette fonction basique pour nous emmener sur des terrains plus exotiques, avec des accents flamenco ou orientaux dans les mélodies et dans le rythme. Le groupe nous interprète aussi une très belle chanson qui célèbre Paris, pleine de bohème et de poésie.

De la chanson donc, mais pas poussiéreuse, bien au contraire, et le public est très réceptif au rythme, à la vie et à l'humour du groupe, comme dans Faut Que Tu Te Dépêches ou L'Amour En Plein Air, un morceau très rafraîchissant qui fait un peu penser à Une Partie De Campagne de Maupassant ou au Déjeuner des Canotiers de Renoir. L'ambiance est à son comble quand le groupe se débranche complètement pour aller jouer unplugged au milieu du public, dans un esprit bon enfant pour un morceau qui s'intitule justement L'Enfance, plein de nostalgie.
Un très bon moment que cette première partie, par un groupe qui gagne à être connu. La salle, bien chauffée, est prête à accueillir Franck Monnet et ses compères !

Derrière la cravate
Francois Lasserre
Abel k1

Le groupe fait une entrée en matière instrumentale : Franck Monnet à la basse, François Lasserre à la guitare et Franck M'Bouéké à la batterie, qu'il fait frissonner, comme pour nous faire entrer dans une nouvelle dimension, mystérieuse. On est déjà dedans. Mais Franck ne peut s'empêcher de commencer immédiatement ses pitreries. Il se met à siffloter un petit air ridicule et le public, visiblement composé d'une bonne partie de " fidèles ", ne se laisse pas déconcerter et lui fait écho. Franck marque un temps d'arrêt, comme surpris par cette participation si spontanée.
Mais passons aux choses sérieuses, le groupe entonne Les Bancs, qui nous entraîne tout de suite dans l'univers poétique de l'artiste. François a un jeu très mélodique, aux accents blues qui ressortent parfaitement sur sa Gretsch, sur laquelle il utilise un son tantôt clair, tantôt plus crunchy, et surtout un léger tremolo pour agrémenter le tout.
Franck, sur sa basse Fender Precision, nous gratifie d'un jeu assez puissant, comme sur L'Orgue Hammond, où il joue au médiator.
L'ambiance rock gagne un public un brin timide. Très vite, il ne rechigne plus à swinguer au rythme de la batterie, irrésistiblement entraînante.
La vague rageuse du groupe déferle sur le public sur des morceaux comme Soliloque, pour lequel François lâche sa Gretsch et attrape sa Gibson SG pour un son plus puissant, plus crunchy et résolument plus rock. Franck s'enflamme avec ses paroles absurdes " Même si j'avais tort, je ne serais pas d'accord, or je n'ai pas tort ", François part dans un solo fou, à coups de disto et de wah-wah, sur fond de batterie dévastatrice.
La Routine, titre-phare du dernier album, est également à ranger dans la catégorie rock bien énergique, avec François qui scie littéralement les cordes graves de sa guitare et nous gratifie encore de quelques très beaux riffs incisifs.
Mais Franck est aussi excellent dans un registre plus émotionnel. Pour T'aimer, il s'empare de sa guitare acoustique et François et Franck l'accompagnent admirablement aux chœurs.
On a également droit à un morceau qui paraîtra sur le nouvel album (sortie à guetter cet été), Trop de Lichen, qui séduit immédiatement toute la salle.
Sur Malidor, fortement empreinte de sonorités africaines, non seulement à travers les percussions, mais aussi dans les chœurs doux et spirituels. Franck joue en picking et module magnifiquement sa voix, qu'il étouffe par moments. Un très beau morceau, coloré et gorgé de soleil, mis en relief par le son brillant des riffs de François.

Franck Monnet
Vincent Delerm
Franck Monnet

Mais l'univers de Franck Monnet, aussi poétique soit-il, est aussi imprégné d'un humour caustique omniprésent. On rit beaucoup mais on est un peu dérangé par la véracité de certains sarcasmes. En somme, Franck est le roi des changements de tons ou de leur mélange, alternativement doux et enragé, triste et drôle, il esquisse une vision de la nature humaine qui lui est propre, avec une dérision délicieuse. On passe du rire aux larmes… aux larmes de rire… sur des morceaux mélangeant paroles ironiques et mélodies à la tonalité parfois inquiétante, comme dans Douce Douce Vanité, qui raconte l'histoire d'un couple avec une différence d'âge " un rien visible " ou dans J'adore T'écrire, chanson dédiée " aux gens qui ne répondent pas ", à la fois pathétique et cruellement drôle. Il nous interprète également son morceau Journal Intime qu'il avait déjà joué lors de son concert du 29 janvier dernier à la Maroquinerie et dont les paroles semblent en interpeller plus d'un dans la salle (ça sent le vécu !!)
Bien sûr, la part belle est faite aux invités, dont les interventions s'intercalent avec le reste du concert. Le premier invité, Abel K1, sur sa Takamine acoustique, est un peu dans le même ton que Franck Monnet, avec des paroles à la fois drôles et désolantes, en particulier sur Je Suis L'Idiot, où il est accompagné par Franck à la basse et François à la guitare électrique.
Un peu plus tard, Franck accueille chaleureusement Jul, pour qui il a écrit plusieurs textes. Jul joue lui aussi sur une Takamine acoustique, toujours avec Franck à la basse et François sur sa Gibson. Ce Jul a une présence assez singulière, à la fois douce et écorchée, sa voix rappelle un peu celle de Bertrand Cantat. Il chante Langoureuse Emilie, en l'honneur de l'anniversaire d'une certaine Emilie qui n'est pas là… (aucun intérêt ! il aurait mieux fait de chanter Langoureuse Emma ou Langoureuse Christine, nous on était là au moins !!). Il nous interprète ensuite Les Bateaux, une chanson au rythme assez binaire qui ressemble un peu à Lemon Tree de Fool's Garden (si vous vous en souvenez !) que Jul joue en picking et en muting. En préambule de cette chanson, il nous explique que Franck et lui ont mis plus d'un an et demi à l'écrire (avis à tous ceux qui galèrent : finalement, vous n'êtes pas tout seuls !)
Le troisième invité de la soirée est Vic Moan, un multi-instrumentiste de génie habitué de ce genre de rendez-vous musical, que nous avons déjà vu sur scène aux côtés de Bumcello et de Sébastien Martel, entre autres. Ce soir, il joue de la mandoline sur L'Insolence, aux sonorités cha-cha et sur The Face Of Another où il joue seul avec le batteur.
Enfin, l'arrivée de Vincent Delerm surprend la salle. Il arrive tout modestement de derrière la scène en chantant Le Baiser de Modiano, et on le reconnaît immédiatement avant même de le voir entrer dans la lumière : il chante avec sa nonchalance et sa désinvolture habituelles. Puis il reprend, au piano, une chanson de Franck Monnet que le public réclamait depuis un moment : Les Embellies de Mai. Les paroles un peu torturées de cette chanson prennent encore plus de sens sur scène, illustrées par les petits sourires en coin de Vincent.

Tout au long de ce concert, l'interaction avec le public étai très forte. Dans un esprit toujours décontracté et plein d'humour, Franck - et ses invités - communique en permanence avec son public, et ce plus particulièrement lors du rappel qui s'éternise, pour notre plus grand bonheur.
Sur Sa Chambre Est Allumée, il fait dire des paroles surréalistes au public et organise les chœurs entre les hommes qui doivent chanter " ferme la fenêtre, ferme la fenêtre, c'est qui ce con ? " et les femmes qui doivent répondre " laisse les volets ouverts mon chéri ". Il va jusqu'à nous coacher en nous donnant des conseils d'interprétation : " faites-la un peu maniaco-dépressif "… !!
Cesare Pavese, un sublime morceau rempli de mélancolie, joué tout en unplugged, rappelant les chants corses, est joué en exclusivité puisqu'il fait également partie de l'album à venir cet été.
Enfin, Franck termine par une berceuse, Gros Cœur : " il est encore gros, mais plus petit qu'hier ton cœur ", qu'il nous fait chanter tous ensemble et qui se termine dans un chuchotement que personne n'ose troubler. Tout le monde retient son souffle jusqu'à la fin absolue de la chanson. Bonne nuit, les petits… !

L'enthousiasme général à la sortie du concert est une preuve irréfutable de l'excellente initiative que constituent ces soirées où la scène est partagée avec d'autres artistes pour des bœufs en live, et nous espérons vivement que cette façon de concevoir la musique et la scène, qui fait la part belle aux échanges, à l'improvisation et à la créativité, continuera de se propager sur la scène française.

Christine et Emma