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GUITARE PICKING par Antoine Payen
 

Qu'elle provienne des musiciens noirs de ragtime-blues de Caroline de Nord ou des mineurs blancs du Kentucky, la technique du picking a libéré définitivement la guitare du carcan de l'accompagnement, du second rôle de la rythmique. Avec le picking, la guitare n'a besoin de personne !

Vous avez dit PICKING ?

Pour ceux qui ne connaissent pas encore le picking, il s'agit d'une technique consistant à jouer simultanément sur une guitare l'accompagnement et la mélodie d'un morceau. Pour y arriver, le pouce de la main droite (si on est droitier) prend en charge les basses et donc la rythmique, pendant que les autres doigts, index et majeur le plus souvent, s'occupent d'exécuter la mélodie sur les cordes aiguës. La main gauche pose pendant ce temps les accords sur le manche. Sur le principe, c'est simple. En pratique on peut ainsi devenir totalement autonome et réussir à jouer des partitions complètes sur une seule et même guitare sans l'apport extérieur d'autres instruments. L'auditeur candide a l'impression d'entendre deux instruments complémentaires. Avec le picking et bien avant de s'électrifier, la guitare a pris l'envergure d'un instrument soliste au même titre que le piano.

Avant les disques

Bien sûr, limiter l'invention du picking à Blind Blake et à Mose Rager (voir ci après) serait totalement réducteur et historiquement incorrect. Il en va du fingerstyle comme de toutes les techniques instrumentales, c'est un long processus de recherche et d'innovation de quelques instrumentistes illuminés qui aboutit à sa création ; en l'occurrence les origines sont quelque part dans la deuxième moitié du 19ème siècle parmi les populations laborieuses du sud-est des États-Unis, esclaves ou travailleurs, noirs ou blancs. Même si rien ne le prouve, il semble que l'avènement du picking ait été rendu possible par l'arrivée de la guitare à cordes métalliques sous sa forme moderne, celle-ci permettant une bien meilleure projection et une puissance supérieure à la guitare classique. Ce qui est sûr, c'est que notre mémoire de ces pionniers est limitée vers le bas par les débuts de l'industrie discographique, on ne sait pour ainsi dire rien de ce qui a pu se passer avant les années 20, avant que les premiers disques de guitare aient été pressés !

COUNTRY-BLUES : imiter le son du piano

Les tout premiers guitaristes solistes à graver leur musique dans la cire furent les musiciens de country-blues. C'est le marché des disques réservés aux populations de couleur, les "race-records", qui a permis à ces musiciens de se faire connaître et par la même occasion de propager leur technique à travers les getthos. Plusieurs d'entre eux ont été de vrais précurseurs du picking et ont posé les bases de cette technique en dissociant définitivement le rôle du pouce de celui des autres doigts de la main qui "gratte" les cordes, la droite pour les droitiers, la gauche pour les gauchers. Pour commencer, Blind Arthur Blake cité plus haut, premier guitariste Ragtime-Blues à avoir réussi à intégrer dans son jeu l'imitation du piano ou d'un orchestre et peut-être aussi le seul à ce jour à l'avoir si bien réussi ! Le travail de son pouce dans les basses est tout bonnement hallucinant, avec des contre-temps et des variations rythmiques démontrant une maîtrise parfaite de l'instrument, de la technique et des spécificités du ragtime. Il faut écouter "Seaboard Stomp" ou "Blind Arthur Breakdown" pour constater la virtuosité de ce formidable guitariste noir et aveugle dont on ne sait pratiquement rien.
Noir et aveugle aussi, Gary Davis est un autre grand novateur du picking. S'il semble très vraisemblable que Blind Blake utilisait l'index et le majeur en plus du pouce de la main droite, Davis expliquait volontiers que seuls le pouce et l'index étaient nécessaires à la mise en oeuvre de son style. Il utilisait toujours des onglets qui lui donnaient un son très percutant et précis, sur six et douze cordes, et son jeu était d'une extrême complexité, rythmiquement comme mélodiquement. En effet la seule utilisation de l'index dans l'aigu implique la participation du pouce dans les passages plus riches, ce qui donne une couleur particulière et très efficace en country-blues et à la douze-cordes.
On ne peut pas raconter l'histoire du picking sans évoquer Mississippi John Hurt. Musicien noir de country-blues, John Hurt a symbolisé la technique de la basse alternée, base de l'enseignement du picking actuel. Même s'il n'a pas été le seul à développer cette technique, on peut citer aussi Élisabeth Cotten, John Hurt a créé un son original et sa technique se retrouve aujourd'hui chez beaucoup de musiciens "en activité". Il n'utilisait pas d'onglet, pouce, index et majeur attaquaient directement les cordes de sa guitare. Sa technique des basses alternées, correspondant à la "pompe" ou au fameux "boum-tchic" des rythmes à quatre temps, lui assurait une base rythmique solide sur laquelle il brodait des mélodies très élaborées bien qu'utilisant toujours des accords et des positions simples. Son picking, intelligent, moderne, original et ô combien musical, est véritablement une référence pour les débutants et pour les autres !

tablature de Mississippi John Hurt : cliquez ici



Blind Arthur Blake



Mississippi John Hurt



Reverend Gary Davis

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Antoine Payen
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