Gérard Audirac est un artisan luthier en guitare classique qui a consacré une bonne partie de sa carrière (la première) à la guitare d'étude de 1976 à 1995. Pendant ces 19 années, il n'a eu de cesse d'aborder en profondeur tout ce qu'il était possible de faire dans le domaine de la facture dite traditionnelle : guitares baroques, romantiques, classiques 6, 7, 8 et 10 cordes. C'est en 1995 qu'il décide de se lancer dans la guitare de concert en plus des guitares d'étude. Cette décision, loin d'être un coup de tête, était le fruit d'une réflexion bien posée. Gérard Audirac est un luthier insatisfait, toujours en quête d'un niveau de qualité qu'il rehausse à chaque fois qu'une guitare est terminée.

Pourquoi a-t-il attendu 1995 pour réaliser sa première guitare de concert ?

La raison est simple : n?étant pas satisfait des concepts de la facture traditionnelle qu'il applique à ses instruments, il ne veut prétendre offrir aux musiciens une guitare de concert, gage de perfection, alors qu'il considère qu'un instrument réalisé traditionnellement est encore et toujours perfectible.
C'est seulement à partir du moment où il décide de remettre en question tous les fondements de la fabrication traditionnelle et dés les premières applications liées à ses recherches personnelles, qu'il prend enfin une nouvelle direction, celle qui répond à ses attentes.

Il faut ajouter que les guitares d'étude que Gérard a réalisées durant toutes ces années ont cette réputation dans la profession d'être de très grande qualité, bien au delà de ce qui est proposé dans cette catégorie d'instruments. Il est arrivé à un tel niveau, qu'il était difficile pour lui d'obtenir des guitares de concert avec ce même degré de qualité sans remettre en question les principes de la lutherie qu'il avait jusque là appliqués.

Entre 1995 et jusqu'à 2007, une nouvelle carrière est née. Gérard s'est libéré des concepts de la facture traditionnelle, particulièrement rigides dans le monde de la guitare classique.

Pendant cette période, on retiendra le modèle cathédrale avec une bouche ovale sur la table et son modèle simple bouche sur éclisse.

Le problème à résoudre : positionner le chevalet au centre précis de la partie vibrante de la table...

La partie vibrante de la table est représentée approximativement sur la photo ci-contre par l'ellipse grisée sur le bas de la table.

En déportant la bouche sur l'éclisse ou ailleurs mais hors de la table d'harmonie, il a libéré la place initialement empruntée par l'ouie centrale pour y réhausser la barre transversale (voir schéma) qui se trouve sous cette bouche.

Le luthier Ramirez a tenté, tout en gardant l'ouie au milieu de la table, de descendre le chevalet pour le centrer et donc ne pas toucher à la barre centrale avec pour conséquence l'augmentation du diapason (66,5 au lieu de 65). Il a ainsi réglé un problème pour en créer un autre : l'augmentation de l'espace entre les frettes avec pour résultat une jouabilité éprouvante qui demande au guitariste des écartements à la main gauche déjà bien fatiguants en temps normal en musique classique.

L'autre solution était donc de déplacer l'ouie soit ailleurs sur la table soit hors de celle-ci.

Gérard Audirac décide en 2006 de placer cette ouie sur l'éclisse du haut avec pour avantage d'offrir au guitariste un retour naturel (technique déjà utlisée par les luthiers de guitare à cordes acier de type folk).

Libéré de cette contrainte, il a donc été possible de remonter la barre centrale, de laisser le chevalet bien à sa place tout en gardant un diapason de 65. CQFD !

La simple bouche sur éclisse était née mais c'est pourtant en pleine émulation que Gérard Audirac choisit de prendre sa retraite en 2007 et de se consacrer à deux de ses passions : la transmission de son savoir, et l'approfondissement de ses recherches.
   



La meilleure école pour devenir luthier est l'atelier de l'un d'entre eux, confirmé et reconnu. Mais il est difficile pour les prétendants à ce magnifique métier ingrat d'avoir la chance d'en apprendre les fondements dans l'antre d'un luthier.

Gérard Audirac fait partie de ces artisans qui aiment léguer leur savoir. Parmi la quinzaine de personnes ayant eu la chance de suivre l'enseignement du maître, on retiendra celle avec le jeune luthier Bastien Burlot bien connu sur laguitare.com.

En 2010, il accompagne Bastien qui expose pour la première fois au Salon de la Guitare de Montréal et c’est alors que je fais la rencontre du spécimen : Gérard Audirac himself !

Pendant cette année 2010, après avoir eu des retours récurents d'un certain nombre de guitaristes se plaignant de la trop forte pression sonore (notamment des basses) reçue par l'ouïe sur l'éclisse pouvant fatiguer le musicien au bout de plusieurs heures de pratique, un nouveau défi pointait le bout de son nez. Et les défis, Gérard Audirac adore ça !

Quelques exemples d'instruments de Gérard Audirac
Modèle Cathédrale version "Batman" 2001-2002 Guitare d'étude traditionnelle Années 90 Guitare traditionnelle 10 cordes
Entre 1995 et 2000
Modèle Cathédrale version "Batman" 10 cordes 2001-2002
 
C'eût été un leurre de croire que, malgré une si longue carrière, le vieux luthier allait arrêter de mettre en application le fruit de ses recherches !

Entre les formations qu'il donne pendant les quatre années qui suivent sa retraite,  ses recherches ont été approfondies avec la mise au point de la table composite (sandwich de deux feuilles d'épicéa avec nid d'abeilles au centre).

Retour à l'établi, le bonhomme est à la retraite mais sa vie c’est l'atelier, donc... Plusieurs prototypes voient le jour et c'est juste avant le salon de Montréal 2011 que Gérard Audirac trouve la solution : la deuxième bouche !

Quelques mois plus tard, il s'installe à nouveau comme luthier, crée le modèle double bouches et se lance dans un nouveau défi, eh oui encore un : faire une guitare à cordes acier !

Quand s'arrêtera-t-il, pensez-vous ? Le jour où les vers viendront lui chatouiller les orteils...

Vous pourrez suivre prochainement sur ces pages, la naissance du modèle à cordes acier (dont une approche en modèle jazz existe déjà) mais pour l'heure je vous propose un comparatif de 7 sept guitares de concert couvrant 4 générations différentes de fabrication dans la carrière de Gérard Audirac.

Modèle concert simple bouche sur éclisse Modèle concert double bouches

Conditions et contraintes d'enregistrement...

L'objectif a été de filmer la concertiste Alice Ducoin interprétant le même extrait du Prelude de la suite Compostelana de Frederico Mompou dans des conditions identiques pour les 7 guitares. La première contrainte a été le lieu. Une pièce de 50 m2 non insonorisée.

Afin d'éviter de capter des éventuels bruits parasites, j'ai été obligé de diminuer le gain audio en entrée. L'inconvénient est que cela a généré du souffle lors de la normalisation de l'audio. Un premier montage a été effectué en supprimant ce souffle mais le résultat audio en a été inévitablement altéré. Compte tenu de la précision souhaitée pour ce comparatif, j'ai décidé de me passer du traitement éliminant le souffle afin de préserver entierement le spectre de chaque prise.

Ne vous étonnez donc pas du léger souffle mis en évidence lors des silences de la pièce interprétée.

Les enregistrements ont été réalisés le même jour, les uns après les autres. La position des micros étant sctrictement la même pour chaque guitare. Deux micros Se4 de chez Se-Electronics en Y. L'un à 49 cm en direction du chevalet et l'autre à 69 cm en direction de la douzième case.

Ces conditions de captations sont loin d'être optimales car l'idéal pour ce genre de test est d'avoir au total 9 micros placés à des endroits bien spécifiques tout autour du musicien. Ceci étant posé et avant d'écouter les prises effectuées avec Alice, il faut préciser que les deux guitares dont l'ouie se trouvent sur la table d'harmonie (modèle traditionnel et cathédrale) se voient bénéficier à l'enregistrement et dans cette configuration de micros, de basses qui semblent plus profondes. Il en aurait été tout autrement avec 9 micros.

L'audio des sept guitares que vous allez entendre a été tout d'abord normalisé en prenant la valeur la moins élevée de l'amplitude de normalisation des sept instruments qui était de 8db à 13db. Ensuite, au lieu d'utiliser un denoiser (pour enlever le souffle), j'ai appliqué une équalisation en diminuant de façon homogène sur chaque prise les fréquences les plus aiguës.

Les deux pistes associées à chaque micro ont été mixées avec une balance à zéro (au milieu).

Présentation des vidéos et des fichiers audio...

Vous trouverez tout d'abord une vidéo de l'interview de Gérard Audirac au sujet de ces sept modèles.

Ensuite et pour chaque guitare, je vous propose la vidéo ainsi que le format MP3 (320kb) de l'audio. Ce dernier vous permettra de naviguer plus facilement d'un morceau à l'autre ou même de l'extrait d'un morceau à un autre extrait.

 

INTERVIEW DE GERARD AUDIRAC

Pièce interprétée sur toutes les guitares : Extrait du Prelude de la suite Compostelana de Frederico Mompou par Alice Ducoin
Modèle traditionnel
 

Année : 1995
Table : épicéa
Dos et éclisses : Palissandre indien massif
Manche : cédros du Honduras
Touche : ébène
Chevalet : Palissandre indien
Diapason : 65 cm

Modèle cathédrale
 
Année : 2003
Table : épicéa
Dos et éclisses : Palissandre indien massif
Manche : cédros du Honduras
Touche : ébène
Chevalet : Palissandre indien
Diapason : 65 cm
Modèle concert simple bouche épicéa
 
Année : 2010
Table : épicéa
Dos et éclisses : Palissandre indien massif
Manche : cèdros du Honduras
Touche : ébène
Chevalet : Palissandre indien
Diapason : 65 cm
Modèle concert simple bouche cèdre
 
Année : 2010
Table : cèdre
Dos et éclisses : Palissandre indien massif
Manche : cédros du Honduras
Touche : ébène
Chevalet : Palissandre indien
Diapason : 65 cm
Modèle concert simple bouches épicéa/cèdre
table composite
 
Année : 2010
Table composite : épicéa au dessus et cèdre en dessous, en sandwich avec au milieu un nid d'abeille.
Dos et éclisses : Palissandre indien massif
Manche : cédros du Honduras
Touche : ébène
Chevalet : Palissandre indien
Diapason : 65 cm
Modèle concert double bouches épicéa
 
Année : 2011
Table : épicéa
Dos et éclisses : Palissandre indien massif
Manche : cèdros du Honduras
Touche : ébène
Chevalet : Palissandre indien
Diapason : 65 cm
Modèle concert double bouches cèdre
 
Année : 2011
Table : cèdre
Dos et éclisses : Palissandre indien massif
Manche : cédros du Honduras
Touche : ébène
Chevalet : Palissandre indien
Diapason : 65 cm
Gérard Audirac : comparatif de sept modèles concert